LA GAZETTE DU MAJE N°23 / AVRIL 2024

Le monde de l'Entreprise Post-Covid 19

Le début du printemps annonce la parution de la deuxième gazette du MAJE. La team ÉDITO est enthousiaste à l’idée de vous dévoiler son deuxième ouvrage portant sur le monde de l’entreprise post pandémie.

La crise sanitaire a été l’objet d’une législation propre en vue de répondre à des enjeux critiques. Quatre années se sont écoulées, il est désormais possible d’avoir le recul nécessaire afin d’analyser les répercussions pour les entreprises. Un retour à la “normale” ante pandémie peut- il être constaté ? Des changements ont-ils été ancrés dans les textes de loi ou dans les conventions et accords collectifs ?

Le thème sélectionné a trait à la fois au droit des affaires, mais également au droit social, en ce qu’il affecte aussi bien les entreprises que les travailleurs. En effet, toute personne morale ou physique a été confrontée à cette crise et à son lot d’incidences.

La team EDITO a cherché à peindre le portrait du monde des affaires, au regard de l’arrêt des aides de l’Etat aux entreprises, de la dématérialisation des prises de décision au sein des sociétés, ou encore de la remise en question du rapport au travail des salariés. Elle vous propose de découvrir ces réflexions au sein de cette gazette.

Vous souhaitant une bonne lecture.

REMERCIEMENTSNous souhaitons adresser nos sincères remerciements à nos directeurs de Master, Madame Gwenola BARGAIN et Monsieur Benjamin LAVERGNE qui nous ont accompagnés durant la rédaction de cette deuxième gazette. Nous tenons également remercier l’équipe du cabinet TEN France de Poitiers pour son accueil chaleureux. Nous saluons tout particulièrement, Maître Laurent AIDE, Maître Manon GAUDIN-PECOUT, Maître Sophie LAVRARD, Maître Aurore LINET et Maître Valérie MONROUZEAU pour leur bienveillance et leur disponibilité.

Faut-il rappeler que l’émergence du Covid-19 fin 2019 en Chine a rapidement déclenché une pandémie mondiale en 2020 ? Cette crise sanitaire sans précédent a contraint les autorités à mettre en place des mesures restrictives ayant un impact significatif sur l’activité des entreprises.

Comment évaluer les conséquences économiques de la pandémie sur les entreprises françaises ?

Les méthodes pour mesurer l’impact économique des épidémies varient selon les approches utilisées [1] :

  • L’approche énumérative consiste à évaluer les coûts directs et indirects d’une épidémie sur une période définie ;
  • L’approche non structurelle analyse l’incidence d’une épidémie sur la croissance économique ;
  • L’approche structurelle permet de mesurer les effets indirects des épidémies sur l’économie et d’identifier les canaux de transmission.

C’est précisément cette dernière méthode qui a été employée pour évaluer le coût économique du Covid-19 ainsi que des différentes politiques publiques mises en œuvre pour y faire face. Elle offre une compréhension plus approfondie des répercussions économiques à long terme de la pandémie.

L’impact significatif de la pandémie

Poursuivant cette approche, il est essentiel de souligner que l’impact économique de la pandémie de Covid-19 s’est révélé considérable, affectant profondément les entreprises.

Cette crise sanitaire a provoqué chute brutale du chiffre d’affaires, une réduction des charges et une nécessité d’emprunter pour faire face aux difficultés financières. Cependant, elles ont pu compter sur un soutien public considérable, ce qui a contribué à limiter les effets négatifs de la crise [2]

Un modèle de microsimulation a été utilisé pour évaluer l’impact probable de la crise sur près de 2 millions d’entreprises françaises. Les résultats ont montré que sans le soutien public, de nombreuses entreprises supplémentaires auraient été confrontées à des difficultés de liquidité et d’insolvabilité. L’analyse révèle, par ailleurs, que la crise a touché différemment les secteurs, avec une augmentation significative du nombre d’entreprises insolvables dans les secteurs de l’hébergement-restauration, la construction, le commerce et les transports. 

Les mesures mises en place pendant la pandémie [3]

Plusieurs mesures ont été mises en place par l’ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020 complétée par l’ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020 afin d’aider les entreprises à faire face aux difficultés liées à la pandémie. 

On peut relever plusieurs grandes mesures :

  • La durée de la procédure de conciliation a été prolongée de plein droit pour cinq mois ;
  • La durée des plans de sauvegarde a été adaptée et les règles pour la reprise d’une entreprise par son ancien dirigeant ont été assouplies ;
  • Les missions de surveillance et de contrôle du commissaire aux comptes ont été renforcées pour favoriser la détection précoce des difficultés des entreprises ;
  • Les conditions d’accès aux procédures de sauvegarde ont été assouplies pour permettre à un plus grand nombre d’entreprises en difficulté d’en bénéficier.

Le Plan d’action sur l’accompagnement des entreprises en sortie de crise

Un plan d’action pour accompagner les entreprises en sortie de crise a été mis en place fin 2020 par l’Etat et l’ensemble des partenaires de l’entreprise comme la Banque de France ou encore l’Urssaf.

Ce plan s’articule en trois axes [4]

  • La détection précoce des fragilités financières ;
  • Un dispositif d’orientation et de conseil à destination des entreprises présentant une fragilité économique ou financière ;
  • Une palette de solutions permettant de consolider la situation financière des entreprises et d’assurer la poursuite de leur activité dans les meilleures conditions.

Une circulaire a précisé les modalités de mise en œuvre du plan d’action en identifiant les difficultés financières des entreprises et en leur fournissant une assistance adaptée [5]. Un comité national est chargé de superviser le plan et des comités départementaux sont établis pour détecter les entreprises en difficulté au niveau local. 

En outre, la circulaire a annoncé la fusion des outils de prédiction développés par la direction générale des Finances publiques (DGFiP) et le partenariat “Signaux Faibles” [6] pour fournir une liste commune des entreprises en difficulté aux acteurs locaux. Cette fusion vise à aider les entreprises à réagir de manière précoce à leurs fragilités, tout en respectant le secret des affaires.

Les chiffres relatifs à la défaillance d’entreprises avant, pendant et après la pandémie

Les défaillances d’entreprises ont connu une nette diminution dès le début de la crise sanitaire à la suite de la modification temporaire des dates de caractérisation et de déclaration de l’état de cessation des paiements. Des mesures gouvernementales de soutien en trésorerie ont ensuite empêché la survenue de ces situations de cessation des paiements [7]

Cependant, malgré l’efficacité du soutien de l’État, certaines entreprises ont accumulé des niveaux d’endettement importants. Ainsi, les différentes aides ont été prolongées plusieurs fois, mais d’autres crises, comme l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ont suivi ce qui a compromis, en partie, le processus de création et de destruction d’entreprises dans l’économie.

D’après les derniers chiffres connus de la Banque de France, les défaillances d’entreprises au niveau national se rapprochent progressivement de leur niveau prépandémique [8]. Cette augmentation de défaillances s’explique notamment par l’arrêt des aides d’Etat et la reprise des procédures de recouvrement par l’URSSAF. 

De plus, la hausse des coûts des matières premières et des salaires, combinée à une activité économique au ralenti, exerce une pression économique supplémentaire sur les entreprises déjà fragilisées et devant rembourser les nombreuses aides accordées pendant la crise du Covid-19 [9].

Comment faire face à la fin des mesures d’aides gouvernementales ?

On constate que le nombre d’entreprises défaillantes rejoint les niveaux observés avant la pandémie. Cette récente analyse de la Banque de France met en lumière les difficultés rencontrées par les entreprises pour se remettre sur pied à la l’issue de la fin des aides gouvernementales [10]

Le plan d’accompagnement des entreprises à la sortie de crise a été prolongé [11]. Initialement mis en place en 2021 pour que les entreprises puissent faire face à leurs difficultés causées par la crise sanitaire, cette procédure d’accompagnement a été prolongée pour faire face aux nouveaux problèmes engendrés par la guerre en Ukraine. 

Depuis 2022, les entreprises doivent faire face à l’inflation et à la hausse des prix des matières premières, notamment du gaz.  Des conseillers départementaux sont donc toujours désignés afin de proposer une solution aux entreprises défaillantes, ils peuvent les orienter vers la procédure de sortie de crise par exemple. 

En effet, une procédure de traitement de sortie de crise a été mise en place et peut toujours être demandée jusqu’au 21 novembre 2025 [12]. Cette procédure est réservée aux petites entreprises en cessation des paiements et ouvre une procédure de redressement judiciaire simplifiée temporaire [13]

Cette procédure avait été mise en place initialement pendant la pandémie et a été réactivée par la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023 concernant l’orientation et la programmation du ministère de la Justice. 

De manière générale, l’ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021 a pérennisé certaines mesures prises pour sauver les entreprises défaillantes durant la pandémie. Ainsi, les procédures amiables sont favorisées afin de détecter les difficultés le plus tôt possible. Cette détection précoce permet de trouver une solution rapide et adaptée. 

De plus, les procédures collectives simplifiées sont maintenant inscrites dans le Code de commerce. Les critères d’éligibilité à ces procédures, telles que la sauvegarde accélérée ou la liquidation judiciaire simplifiée, ont été étendus. Les seuils d’ouverture sont supprimés pour l’une et les entrepreneurs individuels peuvent désormais bénéficier de l’autre. 

En conclusion, la consolidation du droit spécial et dérogatoire, instauré en réponse à la pandémie du Covid-10 revêt désormais une importance cruciale dans le paysage juridique et économique. Sa pérennisation reconnait l’efficacité et la nécessité des mesures exceptionnelles pour faire face non seulement aux crises sanitaires mais surtout aux crises économiques.

L’adaptabilité du cadre législatif à une situation extraordinaire a permis d’anticiper et d’accompagner plus efficacement les entreprises dans la gestion de leurs difficultés financières.

Cette évolution témoigne de la capacité du droit à progresser pour répondre aux défis contemporains.

C’est semble-t-il durant l’été 2023 que les dernières mesures de lutte contre l’épidémie de covid 19 ont disparu, marquant pour de bon le retour du monde d’après en France. C’est ainsi le 14 mai 2023 que la réintégration du personnel soignant non vacciné au sein des établissements publics est actée [1], et, le 30 juin de la même année, l’application TousAntiCovid est mise en pause [2].

Avec la fin de ces dispositifs, l’épidémie semble prendre pour de bon la direction du passé et, mois après mois, elle disparaît tant au niveau de la réglementation que dans les habitudes et les mémoires de chacun.

Cette transition est visible dans le monde de l’entreprise laquelle, par sa place centrale dans notre société, s’est retrouvée au cœur de la lutte contre la pandémie durant la période 2020-2022. A été appliqué durant plusieurs années un protocole sanitaire strict [3], mis en place par le Gouvernement et comprenant des mesures d’hygiènes et de distanciation physique (port du masque obligatoire dans les lieux clos, mesures de dépistages systématiques, incitation à la vaccination notamment par les services de la médecine du travail, protocoles de prise en charge des personnes symptomatiques et leurs contacts rapprochés, protocoles de gestion de flux de personnes, modalités de nettoyage et désinfection des surfaces, etc.)

Ce dispositif exceptionnel a été supprimé le 14 mars 2022 posant maintenant la question suivante : que reste-t-il des mesures de prévention et de lutte contre le covid-19 ou tout risque biologique dans les entreprises aujourd’hui ?

Le guide repère des mesures de prévention des risques de contamination au Covid-19 [4]

C’est dans la continuité du protocole sanitaire qu’est né le guide repère. Celui-ci, en opposition au protocole, n’impose rien mais rappelle aux employeurs que ceux-ci sont tenus, compte tenu de l’article L 4121-1 du Code du travail, à une obligation de sécurité vis-à-vis de leurs salariés.

L’objectif principal du guide est, comme son nom l’indique, de diriger les entreprises vers une prise en compte des risques épidémiologiques au même titre que les dangers liés à la production économique. Dès lors, les risques biologiques doivent être intégrés au sein des Documents Uniques d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP) et des mesures de prévention doivent être mises en place en fonction du degré d’exposition des postes.

A cette obligation générale de prise en compte des enjeux et risques biologiques au sein de l’entreprise, s’ajoutent la préconisation de certains actes spécifiques restant d’actualité et mis en avant par le guide. C’est le cas notamment pour :

  • Le lavage systématique des mains ;
  • L’aération régulière des locaux ;
  • La prévention des risques de contamination manuportée (nettoyage régulier des objets et points de contact que les salariés sont amenés à toucher).

Enfin une attention particulière est donnée aux salariés vulnérables (salariés âgés, fragiles ou présentant des comorbidités). Ceux-ci sont autorisés à revenir travailler compte tenu de la grande couverture vaccinale mais des mesures de protections renforcées doivent être mises en œuvre.

Le retour au monde d’après [5]

L’application concrète du guide et la réelle prise en compte des risques épidémiologiques semblent cependant aujourd’hui très variables en fonction des entreprises et des secteurs d’activité (le guide étant évidemment très suivi dans le milieu médical). Peu de sociétés continuent de respecter des règles de distanciation sociale et les réflexes acquis durant la pandémie comme le lavage de main systématique ou encore le port du masque dès les premiers symptômes semblent aujourd’hui disparaître petit à petit.

Finalement au même titre que la pandémie disparaît dans nos esprits et dans notre mémoire, les mesures prises afin de lutter contre cette dernière tant au niveau de l’Etat que du secteur privé disparaissent à leur tour.

Mais cette conclusion Covid est-elle satisfaisante ?

Le 12 juin 2023, le docteur Hans Henri P. Kluge directeur régional de l’OMS/Europe déclarait officiellement à propos du covid 19 que «  L’urgence de santé publique internationale est peut-être terminée, mais la pandémie ne l’est certainement pas » [6]. Cette affirmation semble être confirmée par les données médicales en France qui marquent, en ce début d’année 2024, un retour à une circulation élevée du covid-19 (heureusement contrebalancée par un taux d’hospitalisation faible), accompagné par un fort taux de circulation de la grippe et du VRS (responsable entre autres de bronchiolite) [7]. Cette détection accrue en France  des cas de covid-19 s’explique notamment par un nouvel indicateur, le prélèvement des eaux usées réalisé chaque semaine dans douze stations de traitement localisées dans les grandes villes de France [8].

Il semblerait donc que, bien que moins dangereux grâce à la couverture vaccinale, le Covid circule toujours aujourd’hui en France accompagné, comme régulièrement lors des périodes hivernales, par d’autres virus. Cette menace biologique planait de manière constante même dans le monde pré-Covid, ce dernier ne l’ayant finalement que mis en exergue. Aussi face à la présence constante d’un risque certes diffus mais bien présent, les enseignements appris brutalement lors de la pandémie doivent-ils être tous oubliés au titre de notre désir de passer à autre chose ?

Il y a au sein des entreprises, comme dans la société des personnes plus à risque face à ces menaces, celles-ci pouvant être protégées par le respect de gestes simples acquis lors de la pandémie.

La question finalement posée est double. Au niveau collectif, il s’agit de déterminer jusqu’où porte l’obligation de sécurité qui incombe à l’employeur vis-à-vis, notamment, de ces salariés les plus fragiles. Au niveau individuel, ce sont les comportements et habitudes qui doivent être interrogés par toutes et tous afin de permettre la sécurité du plus grand nombre.

L’épidémie du Covid-19 a contraint le gouvernement à l’adoption d’une série de mesures, dont l’interdiction de l’accueil du public dans les locaux commerciaux considérés comme “non-essentiels” [1]

Ces commerçants, privés d’une part substantielle de leur chiffre d’affaires, ont rencontré des difficultés financières pour le paiement de leurs charges, notamment celles relatives aux loyers de leurs locaux commerciaux dont le montant total est estimé à trois milliards d’euros selon une note ministérielle relative à l’impact de la crise sanitaire sur les loyers commerciaux [2]

Compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie sanitaire, les preneurs de ces baux commerciaux ont cherché par différents moyens, à se soustraire au paiement de leurs loyers, ou tout du moins [3], à diminuer le prix de ces loyers commerciaux, ce qui a été source de contentieux jusqu’à récemment. 

L’absence d’annulation des loyers commerciaux du fait de l’épidémie 

Tout d’abord, les preneurs ont tenté de se prévaloir de la législation dérogatoire relative à l’épidémie du Covid-19 et notamment de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers et des factures afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par l’épidémie. 

Cependant, malgré le caractère dérogatoire de l’ordonnance [4], aucune suppression de loyer n’était prévue, seulement la prévision d’une interdiction de sanction en cas de non-paiement des loyers et des charges afférentes aux locaux professionnels dont l’échéance était fixée postérieurement au mois de mars 2020. 

Autre difficulté pour les preneurs, cette absence de sanction concernait seulement les entreprises éligibles au fonds de solidarité [5].

Cette éligibilité étant elle-même soumise à plusieurs conditions restrictives : l’obligation d’avoir fait l’objet d’une interdiction d’ouverture au public mais aussi le constat d’une perte de plus de 50 % du chiffre d’affaires en mars 2020 en comparaison avec mars 2019. Ainsi en pratique, seulement une minorité de locataires professionnels peuvent effectivement bénéficier de la protection de cette législation dérogatoire. 

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a éteint les derniers espoirs des preneurs en énonçant que l’interdiction de sanction n’était pas applicable aux effets d’une clause résolutoire acquise antérieurement à la période protégée, soit postérieurement à mars 2020, et dont la suspension était conditionnée au respect de l’échéancier fixé judiciairement [6]. En effet, faute de libération du local conformément aux conditions  judiciaires, l’effet résolutoire de la clause était réputé acquis au bénéfice du bailleur, postérieurement à sa délivrance infructueuse du commandement de payer.

Les textes dérogatoires relatifs au Covid-19 et leurs interprétations par la Cour de cassation ont donc été source de déception pour les preneurs tentant d’échapper au paiement de leurs loyers commerciaux. Ces derniers se sont ainsi tournés vers le droit commun des contrats en espérant pouvoir y trouver une solution de recours. 

Les fondements de droit commun des preneurs tenus en échec par la Cour de cassation

Les preneurs ont ainsi écumé les différents fondements du droit commun des contrats pour appuyer leur demande en réduction, voire en suppression de leur obligation de paiement des loyers commerciaux, ce qui a été source d’un contentieux important allant jusqu’à la Cour de cassation. 

Tout d’abord, les preneurs se sont prévalus de la perte de la chose louée conformément à l’article 1722 du Code civil. Cet argument a permis à la troisième chambre civile de la Cour de cassation [7] de rappeler que la perte de la chose louée était définie selon une conception matérielle, c’est-à-dire la caractérisation d’une perte définitive, et devant avoir un lien direct avec la destination contractuelle du local loué.

En l’espèce, la mesure générale d’interdiction de recevoir du public étant seulement temporaire, les preneurs ont été déboutés, ne pouvant se prévaloir ni d’une diminution du loyer et encore moins d’une résiliation du bail. 

Un autre moyen soulevé par les preneurs réside dans le manquement à l’obligation de délivrance du bailleur fondée sur l’article 1719 du Code civil en raison de l’interdiction d’accueillir le public subie par les locataires. La Cour de cassation refuse néanmoins cet argument au motif que les mesures générales de police administrative liées à l’épidémie ne sont pas constitutives d’une inexécution de la part du bailleur, mais résultent du seul fait du législateur. L’inexécution du bailleur n’étant pas démontrée, le preneur se voit privé de l’usage de l’exception d’inexécution de l’article 1219 du Code civil et ne peut donc s’en prévaloir pour refuser le paiement des loyers commerciaux.  

Le fondement relatif à la force majeure de l’article 1218 du Code civil [8] est balayé d’un revers de manche par la Cour de cassation conformément à sa jurisprudence établie [9] en la matière. Le preneur étant débiteur de loyers, soit d’une obligation de paiement d’une somme d’argent qui est toujours exécutable, n’est ainsi pas fondé à invoquer la force majeure à son profit. 

L’imprévision prévue à larticle 1195 du Code civil semble tendre vers un sort similaire [10]. L’une des conditions de qualification de l’imprévision réside dans la survenance de conditions imprévisibles au moment de la conclusion du contrat ce qui semble remplie en l’espèce. En effet, nul ne pouvait imaginer la survenance d’une épidémie d’une telle ampleur. Cependant, un doute persiste quant à la réalisation de la condition relative à l’exécution du contrat rendue excessivement onéreuse par la survenance de ces conditions imprévisibles, puisque cette onérosité exorbitante a perduré temporairement le temps du confinement et non pendant la durée totale de l’exécution du contrat de bail. 

Le dernier fondement en lice au profit des locataires réside dans le devoir de bonne foi de l’article 1104 du Code civil impliquant un devoir de loyauté, ainsi qu’un devoir de coopération lors de l’exécution du contrat. Ce devoir pourrait imposer, dans une situation telle qu’une crise sanitaire, une certaine collaboration entre les parties du bail commercial pour remédier aux difficultés du preneur. Un effort de conciliation au profit du preneur est aussi dans l’intérêt du bailleur sous peine de se retrouver avec un local vacant, difficile à relouer et avec une valeur moindre en cas de dépôt de bilan du locataire [11].

Le Cour de cassation s’en remet une fois de plus au pouvoir souverain des juges du fond ayant considéré que le bailleur avait tenu compte des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie sanitaire en proposant de différer le règlement des loyers et avait ainsi fait preuve de bonne foi à l’égard du locataire quant à l’exécution dudit contrat de bail commercial [12]. Cependant, ce report de loyers est loin des attentes des preneurs qui espéraient obtenir l’annulation, ou tout du moins la réduction des loyers commerciaux du fait de l’épidémie. 

La Cour de cassation semble délivrer un arbitrage, possiblement politique, en faveur du bailleur n’encourageant pas la négociation et la résolution amiable entre le bailleur et le locataire, notamment en réduisant le devoir de bonne foi à peau de chagrin. 

Toujours dans un contexte faisant suite aux mesures de police administratives liées à la pandémie, le Conseil d’État ne semble pas enclin à reconnaître le caractère manifestement disproportionné de l’interdiction de recevoir du public [13]. Cette voie semble ainsi être sans issue pour les preneurs des locaux commerciaux. 

Il semblerait que la Cour de cassation, mais aussi le Conseil d’État à moindre échelle, aient sonné le glas des espoirs des preneurs et que ce contentieux post-épidémique touche enfin à sa fin laissant les locataires dans leur obligation de payer les loyers commerciaux échus lors de l’épidémie du Covid- 19. 

Repenser la relation au travail : d’une crise sanitaire à une crise sociale

La crise sanitaire a suscité des tensions dans le monde de l’entreprise et dans les relations qu’avaient les salariés au Travail. La crise sanitaire, la réforme des retraites et la nécessité de s’adapter aux évolutions technologiques ont poussé les entreprises à changer leurs conditions de recrutement et les conditions de travail des salariés qu’elles employaient. 

La Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES) a, le 21 septembre 2021, publié une étude dans laquelle elle énumérait les tensions existantes. La DARES relevait que ces dernières avaient été exacerbées par la crise sanitaire. Elle précise notamment que le recrutement des salariés ayant un niveau de classification élevé (agents de maîtrise, techniciens et cadres) était devenu difficile. Au sein des métiers nécessitant un niveau de classification plus faible, une baisse des recrutements et des maintiens dans les emplois a été relevée (principalement dans les secteurs du BTP et de l’hôtellerie-restauration) [1].

La DARES mettait l’accent sur la nécessité d’améliorer les conditions de travail dans une note méthodologique sur les indicateurs de tension publiée le même jour [2].

Un avis, du 12 janvier 2022, rendu par le Conseil économique, social et environnemental sur les métiers en tension présentait diverses solutions permettant d’améliorer le taux de recrutement au sein des entreprises. Ces solutions permettent aux salariés de consacrer plus de temps à leur vie personnelle, notamment au travers de la réduction ou de la compaction de leur temps de travail sur quatre jours hebdomadaires au lieu de cinq. D’autres éléments tels que le recul de l’âge à partir duquel les salariés étaient considérés comme seniors au sein de l’entreprise ainsi qu’une réduction de la pénibilité des tâches que les salariés avaient à accomplir au sein de leurs missions sont à souligner [3].

Au cours de la même période, le Gouvernement présentait un “plan de réduction des tensions de recrutement”, prévoyant notamment de consacrer la somme de 1,4 milliards d’euros à la formation et à la mise en place de moyens d’immersion afin de favoriser les recrutements au sein des différents secteurs [4].

Ces mesures avaient également vocation à pallier d’autres difficultés subies par les salariés au sein des entreprises : une étude du cabinet OpinionWay / Empreinte Humaine publiée le 28 mars 2022 démontrait une forte augmentation du nombre de salariés souffrant de burn out suite à la crise sanitaire et prévoyait une forte augmentation des arrêts de travail à la suite du retour de la plupart des salariés sur leur site de travail. 

Cette étude affirme que la crise sanitaire a entraîné une perte de confiance des salariés dans la direction générale de leur entreprise. Une volonté de continuer le télétravail même après la reprise d’un rythme de travail normal post crise sanitaire avait été exprimée par de nombreux salariés [5]

Afin de pallier ces difficultés et rendre l’emploi plus attractif, les entreprises ont mis en place diverses mesures visant à accroître la motivation des salariés. Les différents moyens clés utilisés incluent principalement : une augmentation de la rémunération et des avantages sociaux proposés aux salariés, un rythme permettant une meilleure répartition entre vie professionnelle et vie personnelle, un changement et une adaptation des conditions de travail, une amélioration des relations humaines dans le milieu du travail, et une attractivité augmentée des postes et des missions proposées aux salariés [6].

Cette crise sanitaire a incité les entreprises à prendre davantage en compte le bien-être des salariés. Diverses mesures pour les salariés dans des situations entraînant des difficultés particulières ont été prises.

À titre d’exemple, le groupe EDF a mis en place un plan d’accompagnement des salariés victimes de violences conjugales, en prévoyant différentes aides fournies par l’entreprise comme par exemple des aides au déménagement.

Dans la même lignée, un accord relatif à l’égalité professionnelle a été conclu entre La Poste et les partenaires sociaux le 21 juillet 2022, prévoyant une autorisation d’absence de trois jours pour les agents victimes de violences conjugales, afin de leur permettre d’entreprendre les diverses démarches administratives leur permettant de retrouver une forme de sécurité [7].

Ces différentes mesures aident indirectement à améliorer les conditions de travail des salariés et favorisent l’engagement des collaborateurs à la vie de l’entreprise. 

Aujourd’hui, les chiffres issus d’études de l’INSEE et de la DARES pour le quatrième trimestre de 2023, montrent une stabilisation de l’emploi des salariés dans le secteur privé, qui excède celui de fin 2019 de 5,8%. La stabilité de l’emploi des salariés du domaine privé dans les secteurs tertiaires marchands était quasiment acquise au quatrième trimestre de 2023 et il est possible de constater une augmentation dans le secteur de l’industrie, hors intérim.

Ainsi, quasiment cinq ans après la crise sanitaire, les entreprises et le Gouvernement ont pu s’adapter aux évolutions de la perception du travail par des salariés et mettre en place diverses mesures afin de réadapter les moyens de recrutement et de maintien dans l’emploi des salariés. L’un des leviers notamment utilisé est l’instauration de la semaine de quatre jours au sein de certaines entreprises.

Repenser le temps de travail : l’exemple de la semaine de quatre jours

Le 30 janvier 2024, le premier Ministre Gabriel ATTAL a, dans un discours prononcé devant l’Assemblée Nationale, annoncé qu’il allait demander à ses ministres d’expérimenter la semaine dite « en quatre jours ». Il s’agit là d’une annonce inattendue au niveau étatique, mais issue d’un courant de pensée actuel, à savoir la réduction des journées travaillées dans une semaine. 

La genèse de ce courant de pensée n’est cependant pas aussi nouvelle qu’elle n’y paraît. Elle était déjà prônée par des figures politiques telles que Gilles de ROBIEN à la fin du XXème  siècle  [8]. Cela conduira à l’institution d’une loi tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail [9].

Cependant, une accentuation de ce mouvement est à remarquer depuis la fin de la crise sanitaire. Il n’est plus rare d’entendre des critiques sur la place prépondérante du Travail dans les emplois du temps des travailleurs. 

Il est essentiel de préciser que, hormis pour les salariés en forfait jours ou heures, les travailleurs ont l’obligation de respecter la planification de leurs horaires de travail hebdomadaires. [10] Il arrive cependant qu’il y ait une nette différence entre les horaires de travail et le temps nécessaire afin de réaliser les missions. Dans ce cas de figure, le travailleur n’osera que très rarement demander de quitter son poste de travail. 

Pourtant, le bon sens amène à se questionner sur le strict respect des horaires de travail. Rester sur son lieu de travail simplement pour satisfaire le devoir de respect de la durée de travail ne fait pas sens. Est-ce que ce système est efficient et satisfaisant ? Cela pourrait s’apparenter à une forme excessive de présentéisme qui pourrait être remise en cause.

Cette forme de présentéisme s’explique par la présence d’une durée légale du travail, qu’il est obligatoire de respecter. Un seuil de trente-cinq heures a été fixé par la loi du 19 janvier 2000 dite seconde loi AUBRY. [11] Ce seuil est important pour comprendre les enjeux du présentéisme excessif, mais également ceux de la répartition du temps de travail hebdomadaire. 

Il a fallu que les entreprises modulent la répartition des horaires de leurs travailleurs, tout en respectant les dispositions du Code du travail et des conventions et accords collectifs. 

À toutes fins utiles, précisons la manière dont les entreprises ont pu répartir les heures de travail. Par répartition égale, trente-cinq heures de travail par semaine reviennent à effectuer sept heures par jour, pour une semaine de 5 jours. Mais pour une semaine « en quatre jours », cela reviendrait à quatre journées de huit heures et quarante-cinq minutes.

Est-ce pour autant réellement l’objectif de cette nouvelle répartition du temps de travail ? Le principe de la semaine en quatre jours est d’accomplir le même nombre d’heures de travail que le travailleur effectuerait en cinq jours. Il ne faut pas confondre cette répartition avec la semaine de quatre jours, qui vise quant à elle une réduction des journées hebdomadaires travaillées, et in fine du temps de travail hebdomadaire. 

Le but étant de mieux répartir le temps de travail afin que le travailleur soit plus efficient et qu’il ait plus de temps pour sa vie personnelle. Cela aurait certainement des effets bénéfiques sur le mental et sur la santé du travailleur, mais également sur le travail effectué. Pourtant, c’est la répartition de huit heures journalières qui est retenue à l’heure actuelle. 

Nous pouvons également remarquer ce mouvement au sein d’autres pays. En effet, le dispositif est déjà mis en place dans une soixantaine d’entreprises anglo-saxonnes. Provenant initialement d’une expérience, la plupart des sociétés ont adopté le principe [12].

À l’échelle nationale, la question que l’on pourrait se poser est de savoir comment mettre en place cette répartition au sein d’une entreprise ? La réponse est simple : par un accord collectif. Cela nécessite la révision de l’accord relatif à l’aménagement du temps de travail [13].

Il est alors question de la durée du travail retenue, et de la répartition sur les jours sélectionnés. Certaines entreprises choisissent de poursuivre les trente-cinq heures hebdomadaires, mais d’autres réduisent le compte à trente-deux, voire moins ! [14] 

À noter que les salariés en forfait jours peuvent également se voir appliquer le principe de la semaine de quatre jours (ou quatre jours et demi). Cependant, cela impliquerait soit un abaissement des jours de travail, ou une augmentation des demi-journées de congés pour le travailleur [15].

Il sera bienvenu de suivre les évolutions du temps de travail dans les années à venir. Cette tendance perdurera-t-elle dans le temps ? Il faudra observer les évolutions du marché du travail pour répondre à cette question. Des conditions favorables (telles qu’un marché où la demande est plus importante que l’offre) permettent aux travailleurs de se voir accorder de meilleures conditions de travail. La décennie 2020 continuera-t-elle à être propice à de tels changements ? Affaire à suivre …

Lorsque l’Union européenne et la France ont été frappées par le Covid et les confinements qui en ont découlés, des aides de l’Etat ont été mises en place relativement rapidement. Les plus connues sont le fonds de solidarité, le recours au chômage partiel et les Prêts garantis par l’Etat (PGE). Les coûts fixes des entreprises ont également été pris en charge, certaines entreprises ont pu bénéficier de l’aide de renfort et le rééchelonnement des crédits bancaires a été négocié. Les mesures ont été nombreuses [1] et elles ont été approfondies au cours de la crise. En effet, les aides ont été maintenues jusqu’en 2022. 

Concernant le fonds de solidarité, il s’agit d’une aide défiscalisée pouvant aller jusqu’à 1 500€ versée aux petites entreprises, indépendants, aux micro-entrepreneurs et pour les professions libérales touchés par la crise. Elle a représenté un montant de 40 milliards d’euros. Le versement de ces aides aurait permis de compenser la perte de chiffre d’affaires d’environ 25% au plus fort de la crise, en 2020 et 2021 [2]

L’Union européenne a soutenu la mise en place de ces aides en approuvant un encadrement temporaire des aides d’Etat pour que les règles soient assouplies. Cela a permis la mise en place de ces multiples mesures en France, ainsi que la mise à disposition de fonds. En effet, rien que pour l’année 2020, on estime à plus de 3 milliards d’euros le montant des aides autorisées aux Etats membres.

Les conséquences néfastes d’un prolongement excessif des aides sur la concurrence

Faire perdurer les aides outre mesure peut poser des difficultés pour la concurrence. Parmi toutes les aides prévues, les aides effectivement utilisées représentent environ 4% du PIB annuel des 27 Etats membres [3]. La Commission européenne soutient donc que l’égalité des chances entre entreprises n’a pas été excessivement altérée. Selon elle, l’impact sur la concurrence est donc relativement faible.

Pourtant une étude de novembre 2021 [4] menée par Mesdames DE FRANCLIEU et HERMET, deux économistes de la Banque de France, fait émerger une autre analyse. En effet, elles soulèvent le risque que ces aides permettent de subventionner excessivement des secteurs et accroître la concentration du pouvoir économique entre les mains des grands industriels.  Dans cette optique, maintenir des aides plus que nécessaire renforce ce risque pour la concurrence. 

La crise sanitaire prenant fin et la vie économique et sociétale de l’Union européenne reprenant son cours, le retrait de ces aides a donc été sérieusement envisagé pour préserver la concurrence. 

Les raisons de la diminution progressive des aides 

Au fur et à mesure, les aides ont diminué. En effet, concernant le fonds de solidarité, pour les deux derniers mois (janvier et février 2022), seules les discothèques et les entreprises situées en Outre-mer y étaient éligibles. Au début de la crise, le dispositif concernait toutes les entreprises faisant l’objet d’une interdiction d’accueil du public. 

Déjà à l’été 2021, on constatait une chute des recours aux aides d’Etat, notamment pour le fonds de solidarité et le chômage partiel [5]. Selon le ministre de l’Économie, l’explication provenait de la diminution des besoins des entreprises. À  l’inverse, selon le Mouvement des Entreprises De France (MEDEF) d’Ile-de-France, cette chute s’expliquait aussi par la restriction d’accès aux dispositifs. 

Fin des aides Covid : retour difficile à la réalité pour les petites entreprises

La fin de ces aides est un retour à la réalité pour de nombreux secteurs mais surtout pour celui de la construction. Ce secteur se compose de nombreuses petites entreprises et ce sont ces dernières qui souffrent le plus de la fin des aides. Entre 2022 et 2023, les défaillances d’entreprises ont augmenté de 35% selon les chiffres d’Altares [6]. Le secteur de la construction est particulièrement touché [7] car les coûts de construction ont augmenté et l’augmentation des taux d’emprunts pour acquérir un bien freinent les acheteurs. De ce fait, le nombre de chantiers a fortement diminué. 

Le niveau de défaillances des entreprises a quasiment retrouvé son niveau d’avant Covid [8] et la fin des aides a accéléré le mouvement. On peut mettre en lien cette situation avec d’autres facteurs, notamment le changement des habitudes après la crise, les pénuries de matières premières et la hausse globale des prix, mais le principal facteur reste la fin des aides. Les plus concernées sont les jeunes entreprises de moins de 5 ans qui n’ont pas eu le temps de développer leur activité et de trouver leur rentabilité. Tout comme la construction, le commerce et la restauration sont les secteurs les plus touchés. Les PME de moins de 50 salariés sont également très affectées.

La fin des sociétés « zombies »

De plus, la fin des aides révèle la réelle situation des entreprises « zombies » qui ont été soutenues artificiellement par les aides [9]. Elles ont échappé à la faillite grâce aux aides versées, mais une fois leur arrêt, la réalité économique les a rattrapées. Leur défaillance est venue gonfler les chiffres. Le sujet des entreprises « zombies » était aussi un argument pour l’arrêt du soutien financier car les pouvoirs publics étaient bien conscients que continuer de verser de telles aides pour le Covid multiplierait le nombre de ces dernières et donc le nombre de faillites. 

L’étalement des PGE : une mesure favorable pour les entreprises en difficulté

Enfin, les entreprises ayant obtenu un Prêt Garanti par l’Etat ont dû faire face à leur remboursement. Certaines entreprises ont eu des difficultés à rembourser, elles ont donc été accompagnées afin d’étaler le délai de remboursement du PGE sur une durée de 2  à  4  ans supplémentaires tout en maintenant la garantie de l’Etat. 

Cependant, il y a tout de même quelques bonnes nouvelles pour 2024, surtout en ce qui concerne les PGE. 

La Loi de Finance 2024 [10] a prolongé jusqu’en 2026 l’accord de place sur les restructurations des PGE qui permet de les étaler sur plusieurs années. Ce dispositif a donc été reconduit pour trois ans pour continuer d’étaler les PGE des entreprises qui font face à des difficultés pour le rembourser. 

Ainsi, la fin des aides d’Etat pour le Covid a un réel impact sur la vie des entreprises et même sur leur survie. Les entreprises doivent s’adapter à ce retour à la réalité.

Imposé dans l’urgence et sans préparation, le télétravail a été accentué par la pandémie de Covid-19. En effet, le choc de cette crise sanitaire et les périodes de confinement ont amené de profondes mutations dans nos modes de travail. 

Défini à l’article L. 1222-9 du Code du travail, le télétravail s’exerce hors les murs de l’entreprise et suppose l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC). Jadis considéré comme subi, aujourd’hui – à tout le moins après le Covid-19 – le télétravail apparaît de plus en plus comme une forme d’organisation souhaitée par les salariés. 

Le développement contraint du télétravail en 2020 a créé des conditions favorables à sa poursuite au-delà de la crise sanitaire. Pour s’en convaincre, deux études de la Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (DARES) expliquent cette réalité. D’une part, en janvier 2021, 27 % des salariés le pratiquent, contre 4 % en 2019 ; huit télétravailleurs sur dix souhaitent le poursuivre, en réduisant cependant son intensité. Parmi les télétravailleurs, sept sur dix souhaiteraient poursuivre cette pratique au moins une fois par semaine, la fréquence privilégiée étant d’un ou deux jours par semaine [1].

D’autre part, après la crise du Covid-19, le nombre d’accords collectifs portant sur le télétravail a augmenté et est passé de 390 en 2017 à 4 070 en 2021, soit dix fois plus [2]

Par ailleurs, il est à relever que la part de salariés des TPE ayant la possibilité de télétravailler varie suivant le secteur d’activité [3].

C’est une évidence, le taux de pourcentage dans ces entreprises est faible par rapport aux grandes entreprises. D’ailleurs, l’absence de mise en place du télétravail est majoritairement due à la nécessité d’effectuer certaines tâches sur site. 

Néanmoins, l’émergence du télétravail n’est pas sans poser de difficultés pratiques pour les entreprises. La démocratisation et l’expérience du télétravail ont permis d’en apprécier les avantages, mais aussi de s’apercevoir in concreto des difficultés de cette pratique.

L’efficacité des salariés pendant le télétravail

Tout d’abord, le troisième rapport du Conseil national de productivité (CNP) [4], a fait un état des lieux de l’impact de la pandémie de Covid-19 sur la productivité et la compétitivité du pays, en comparaison avec nos voisins européens.

Selon le CNP, différentes enquêtes montrent que les télétravailleurs ont généralement une opinion particulièrement positive de la flexibilité de l’organisation de leur journée de travail et du gain de temps des trajets domicile-travail. 

En sus, la revue Economie et Statistique, éditée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) fait mention, dans une étude du 12 juillet 2023 [5], d’une enquête en ligne menée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) [6] auprès de dirigeants et d’employés de 25 pays sur leur expérience et leurs attentes en matière de télétravail.

Les répondants ont une opinion globalement positive sur le télétravail, tant du point de vue de la performance de l’entreprise que de celui du bien-être individuel, et souhaitent que la part des télétravailleurs augmente par rapport aux niveaux d’avant la crise. En moyenne, ils estiment le volume idéal de télétravail à 2-3 jours par semaine. 

Ainsi, les arguments au soutien du télétravail sont nombreux. Nous pouvons retenir, entre autres : 

  • l’économie sur les frais liées à la restauration sur le lieu de travail et les coûts de transport ;
  • la réduction ou la minimisation de la fatigue et le stress liés aux trajets domicile-travail – avantage particulièrement important dans les métropoles denses marquées par la congestion de la circulation automobile ;
  • la réduction de l’empreinte carbone.

Enfin, soulignons, pour l’essentiel, que l’effet du télétravail sur la productivité des salariés est multifactoriel et dépend à la fois de la taille de l’entreprise, des tâches à réaliser, des métiers considérés, des secteurs et des caractéristiques des travailleurs, ainsi que de leur lieu de travail. Cet effet est, notons-le, difficile à estimer, car les employés qui choisissent de télétravailler peuvent présenter des caractéristiques particulières par rapport à ceux à qui cela est imposé. 

Les limites du télétravail

Il convient de relever que plusieurs facteurs viennent pénaliser ces gains potentiels de productivité, justifiant ainsi les limites du télétravail. Les différentes études précitées évoquent les difficultés de communication. Sur le plan physique, le télétravail peut accentuer la tendance à la sédentarité. Sur le plan de la santé mentale, la solitude des salariés peut conduire à la dépression et la possible dégradation des relations sociales dans l’entreprise.

Cela peut réduire la capacité d’organisation collective des salariés pour négocier dans l’entreprise.

De même, le télétravail ne favorise pas la bonne intégration des nouveaux entrants dans leur emploi. Cela peut constituer un frein à la croissance de la productivité à moyen et à long terme, notamment car la formation est un préalable aux qualifications.

Tout bien considéré, il apparaît judicieux de retenir que l’esprit d’entreprise et le dialogue social ne pourraient être préservés que si l’équilibre entre le télétravail et la présence physique au sein de l’entreprise est trouvé.

Le Covid-19 est un événement constitutif d’un cas de force majeure.

Voilà une affirmation plutôt séduisante qu’il convient en réalité de nuancer. Alors même que dans la sphère publique, le ministre de l’Économie a pu recommander en 2020 que l’épidémie de Covid-19 serait considérée comme un cas de force majeure dans le cadre des marchés publics [1]  , il n’en est rien en matière de contrats civils et commerciaux pour lesquels l’incertitude règne. 

Pour ces derniers, la force majeure ne pourra être retenue (ou exclue) qu’en fonction de la définition contractuelle que les parties ont entendu lui donner, ou à défaut, dans le silence des parties, sous réserve que puissent être remplis les critères de la force majeure tels que définis par le Code civil et interprétés en jurisprudence. 

Une définition légale

Depuis la réforme du droit des obligations, le Code civil en son article 1218 alinéa 1er définit dorénavant la force majeure comme « un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »

Lorsqu’une telle situation survient la partie qui l’invoque, pourra, conformément à l’alinéa 2 de l’article 1218, tantôt suspendre l’exécution de ses obligations si l’empêchement est temporaire, ou tantôt résoudre le contrat et se libérer de ses obligations si l’empêchement est définitif.  

Dans la mesure où ces effets portent gravement atteinte au principe fondamental de la force obligatoire des contrats [2], les conditions de la force majeure font l’objet d’une interprétation stricte en jurisprudence. 

Les conditions de la force majeure confrontées au Coronavirus

Classiquement la force majeure caractérise un événement qui nécessite la réunion de quatre caractères cumulatifs, qui seront successivement analysés et confrontés à l’épidémie du Coronavirus : l’extériorité, l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’empêchement d’exécution.

Concernant l’extériorité, l’évènement doit échapper au contrôle du débiteur. Cette condition, confrontée à l’épidémie de Covid-19 ne semble pas poser de difficulté dans la mesure où de simples contractants ne pouvaient contrôler une telle situation épidémique « contre laquelle les Etats cherchent à lutter sans parvenir à l’éradiquer » [3].

Concernant l’imprévisibilité, cette condition devrait être considérée comme remplie ou non, en fonction de la date de conclusion du contrat. En effet, pour les contrats conclus antérieurement à l’apparition de l’épidémie, on peut considérer que les parties ne pouvaient raisonnablement prévoir l’apparition de ce virus, nouveau, pour lequel il n’existait pas de vaccin [4] et qui sera qualifié ensuite de pandémie par l’OMS à compter du 11 mars 2020 [5]. En revanche, pour les contrats conclus (ou renouvelés [6]) postérieurement à l’apparition de l’épidémie, l’imprévisibilité de l’événement ne devrait pas pouvoir être admise [7].

Une difficulté apparaît toutefois quant à la détermination de la date à partir de laquelle cet événement aurait dû être considéré comme prévisible par les parties. Devra-t-on tenir compte de la date de la première apparition du virus en Chine, du premier cas d’infection en Europe, ou encore de la date à laquelle l’OMS a qualifié le virus de « pandémie » ? Seuls les juges pourront trancher cette question, au cas par cas, en tenant compte notamment du lieu de conclusion du contrat et de l’extranéité de la relation contractuelle [8]

Concernant l’irrésistibilité, l’évènement doit empêcher le débiteur de prendre des mesures appropriées lui permettant de remplir ses obligations.

Confrontée au Covid-19 et de manière plus générale, il s’agirait d’apprécier in concreto si l’épidémie constituait un obstacle insurmontable à l’exécution de ses obligations. La maladie du débiteur est à ce titre considérée par la jurisprudence comme un événement insurmontable [9]. Il devrait en être de même des décisions des autorités étatiques prises durant le Covid-19 qui empêchaient l’exécution de ses obligations (restriction de circulation de personnes ou de marchandises, fermetures imposées, confinement obligatoire…). 

Concernant enfin l’empêchement d’exécution, cette condition permet de distinguer la force majeure rendant l’exécution impossible, de l’imprévision dans laquelle l’exécution est toujours possible mais simplement « excessivement onéreuse pour une partie » [10]. La force majeure dite financière n’existe pas en principe pour le débiteur « qui ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure » [11].

Ainsi, si l’obligation du débiteur consiste à payer une somme d’argent, même durant l’épidémie de Covid-19, rien ne l’empêche matériellement de s’exécuter [12]. En revanche, en dehors de ce cas, les mesures de restriction prises durant l’épidémie devraient permettre de considérer que cette condition est remplie dans la mesure où l’exécution de ses obligations est empêchée. 

Ainsi, au regard de ces différentes conditions confrontées à l’épidémie de Covid-19, il apparaît difficile d’affirmer que cet évènement constitue nécessairement un cas de force majeure. Tout dépendra de l’analyse de ces conditions, appréciées au cas par cas.  C’est en raison de cette forte insécurité juridique, que depuis cette crise, de nombreux contrats civils et commerciaux encadrent contractuellement la force majeure, et plus spécifiquement la manière d’appréhender les crises sanitaires. 

L’aménagement contractuel de la force majeure

Il faut d’abord mentionner qu’il est admis de longue date que la force majeure n’est pas d’ordre public et que les parties peuvent l’aménager contractuellement [13], que ce soit tantôt pour assouplir ses conditions ou tantôt pour l’exclure purement et simplement. 

Avant la pandémie, certains contrats d’affaires intégraient déjà de telles clauses comme l’illustre l’affaire opposant EDF à Total Direct Energie, dans laquelle les juges ont estimé que l’épidémie de Covid-19 était constitutive d’un cas de force majeure permettant à Total de suspendre l’exécution de ses obligations étant donné « l’acception manifestement plus large » de la notion contractuelle de la force majeure par rapport à son acception « retenue en droit  civil  »  [14].

Post pandémie, l’utilisation de ces clauses s’est accrue au point que certains auteurs vont jusqu’à évoquer une « systématisation des clauses de force majeure » [15]. En effet, les parties prévoient désormais expressément dans leurs clauses le sort et les effets d’une pandémie sur les obligations contractuelles. Dans la mesure où ces clauses ont vocation à réduire l’insécurité juridique, les rédacteurs devront prendre soin de bien définir les événements qu’ils estiment ou non constitutifs d’un cas de force majeure, en précisant évidemment si une énumération est effectuée, que cette liste d’événements n’est que limitative.

Les parties pourront également encadrer les modalités de déclenchement d’une telle clause (s’active-t-elle de plein droit, après mise en demeure, si mise en demeure il y a, sous quelle forme et dans quel délai…), ou encore ses effets (suspension jusqu’à fin de l’événement, résolution automatique, restitutions…). 

Ainsi, après avoir largement marqué nos esprits et bouleversé bon nombre de relations contractuelles, le Covid-19 continuera certainement à marquer nos clauses pour les prochaines années…

« La crise sanitaire a contribué à mettre en avant le rôle clé que jouent certains travailleurs des plateformes, y compris en période de confinement » [1].

Depuis 2020, plusieurs rapports concernant la situation des travailleurs des plateformes ont été publiés. Ces rapports proposaient des mesures afin d’améliorer leurs conditions de travail et leurs droits. Le rapport du Conseil national du numérique publié en 2020, par exemple, explorait la piste du dialogue social comme mode de régulation des relations entre travailleurs et plateformes [2].

Le rapport, de 2021, de la Commission des affaires européennes sur la protection sociale des travailleurs des plateformes numériques présentait, quant à lui, un état des lieux de la situation des travailleurs des plateformes à l’échelle européenne. Il proposait également un encadrement du travail des plateformes au niveau  européen permettant d’améliorer la protection sociale des travailleurs et plus largement les conditions de travail dans ce secteur [3].

La piste du dialogue social a été prise en considération. Ce dernier permettrait d’améliorer la situation des travailleurs des plateformes quant à leurs conditions de travail et leurs droits.

La création d’un dialogue social pour les travailleurs des plateformes

Dès avril 2021, l’établissement d’un cadre pour le dialogue social entre les travailleurs des plateformes et ces dernières s’esquisse avec la création de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE), marquant ainsi le premier pas vers l’élaboration concrète de ce dialogue [4].

Cette autorité a été établie pour réguler et faciliter le dialogue social entre les plateformes de mise en relation et les travailleurs qui leur sont liés par un contrat commercial [5]

L’année suivante, une ordonnance du 6 avril 2022 [6] est venue compléter les règles organisant le dialogue social entre les travailleurs des plateformes (chauffeurs VTC [7] et livreurs à vélo ou scooter) et ces dernières [8]. Cette ordonnance, en plus de venir renforcer l’autonomie de ces travailleurs, fixe les conditions de représentation des organisations des plateformes au niveau de chacun de ces deux secteurs d’activités, les règles de la négociation collective, ainsi que les missions de l’ARPE.

La même année, en septembre 2022, le tant attendu décret apportant des précisions sur l’organisation du dialogue social dans le secteur des plateformes de mobilité et les conditions de mise en œuvre de l’ARPE a été publié au Journal Officiel [9]. Ce décret vient déterminer les modalités de mise en œuvre de la médiation par l’ARPE et préciser les conditions de publications des accords [10]

Toutes ces étapes ont permis d’aboutir à la mise en place du dialogue social, et en 2023 à la conclusion de trois accords dans chaque secteur concerné.

La conclusion d’accords collectifs dans les secteurs des VTC et des livreurs

Dans le secteur des VTC, trois accords ont été négociés, signés et homologués en 2023 :

  • Un accord relatif à la méthode et aux moyens de la négociation dans le secteur des plateformes VTC [11].

Cet accord a pour objectif de préciser les modalités d’organisation du dialogue social sectoriel. Il vient notamment apporter des précisions sur les commissions de négociation et créer une allocation complémentaire aux heures de délégations des représentants [12] ;

  • Un accord fixant le seuil du revenu minimum d’une course effectuée par un VTC. Cet accord vient établir à 7,65€ le revenu minimal par course dans le secteur des plateformes VTC. Tous les ans, ce montant sera réexaminé et pourra être réévalué en fonction de la conjoncture économique [13];
  • Et un accord relatif à la transparence du fonctionnement des centrales de réservation de VTC et aux conditions de suspension et résiliation des services de mise en relation [14]. Cet accord vient créer une obligation de transparence pour les plateformes numériques de mobilité à l’égard des chauffeurs de celles-ci. 

Dans le secteur des livreurs, trois accords ont également été négociés, signés et homologués en 2023 : 

  • Un accord de méthode sur l’organisation des négociations collectives dans le secteur de la livraison de marchandises [15]. Cet accord vise à préciser les modalités d’organisation du dialogue social sectoriel. Il apporte, notamment, des précisions sur les commissions de négociation et créer une allocation complémentaire aux heures de délégations des représentants [16];
  • Un accord venant encadrer les modalités de rupture des relations commerciales entre les travailleurs indépendants et les plateformes de mise en relation [17]. Cet accord a comme objectif principal de renforcer les garanties offertes aux livreurs indépendants en matière de rupture des relations commerciales [18].

Il  vient, plus particulièrement, instaurer des mesures visant à prévenir la désactivation du compte des livreurs à l’initiative des plateformes et renforcer la transparence et la lisibilité pour les livreurs sur les cas pouvant entraîner la désactivation de leur compte et les motifs liés à celle-ci [19] ;

  • Et un accord venant instaurer une garantie minimale de revenus pour les livreurs. Cet accord prévoit un revenu d’activité moyen, pour chaque mois civil, ne pouvant être inférieur à 11,75€ par heure d’activité sur une plateforme [20]. Tous les ans, ce montant sera réexaminé et pourra être réévalué en fonction de la conjoncture économique [21]

Après plusieurs années difficiles, la situation des travailleurs des plateformes numériques connaît finalement une évolution positive tant au niveau national qu’au niveau européen. 

En effet, la Commission européenne a publié, en décembre 2021, une proposition de directive visant à améliorer les conditions de travail des travailleurs des plateformes [22], dont l’une des mesures principales est la présomption de salariat pour ces travailleurs s’ils remplissent certains critères prévus par cette même directive [23]

En décembre 2023, le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire sur cette directive [24]. À l’heure où cet article à été rédigé, les ministres de l’emploi et des affaires sociales de l’Union Européenne ont confirmé l’accord provisoire sur la directive visant à améliorer les conditions de travail des travailleurs des plateformes [25].  Il faudra donc surveiller de près l’actualité entourant la situation des travailleurs des plateformes numériques, car de nouvelles évolutions ne vont pas tarder à voir le jour.

Lors de la crise sanitaire du Covid-19, le Gouvernement a été autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure simplifiant et adaptant les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants des personnes morales de droit privé se réunissent et délibèrent [1]

À ce titre, les règles relatives aux réunions et délibérations des assemblées et des organes collégiaux des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé ont été adaptées par une ordonnance du 25  mars 2020 [2] et son décret d’application du 10  avril 2020 [3]

Ces dispositions, notamment applicables aux sociétés civiles et commerciales, avaient pour objectif d’assurer la continuité du fonctionnement des personnes morales.        

En effet, face aux mesures restrictives prises en réponse aux conséquences de la pandémie, il est apparu nécessaire de permettre aux organes de décisions de poursuivre l’exercice de leur mission dans des conditions adaptées.

L’ordonnance était applicable aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31  juillet 2020 [4]

Les ajustements, à l’origine exceptionnels et temporaires, ont néanmoins été prolongés en raison de la persistance de la crise sanitaire. 

L’ordonnance et son décret d’application sont toutefois caduques depuis le 1er octobre 2021.

Les différentes prorogations de l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 et du décret n°  2020-418 du 10 avril 2020

  • Jusqu’au 30 novembre 2020 par le décret n° 2020-925 du 29 juillet 2020 ;
  • Jusqu’au 1er avril 2021 par l’ordonnance n° 2020-1497 du 2  décembre 2020 et le décret n°  2020- 1614 du 18 décembre 2020 ;
  • Jusqu’au 30 septembre 2021 par loi n°  2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

Retour sur les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 et du décret d’application du 10 avril 2020

Les mesures extraordinaires relatives aux réunions et délibérations des assemblées et des organes de direction posées par ces textes avaient en premier lieu pour effet d’adapter les règles de convocation et d’information. 

En effet, l’ordonnance excluait l’hypothèse de la nullité d’une assemblée du seul fait qu’une convocation n’ait pas pu être réalisée par voie postale, en raison de circonstances extérieures à la société. 

De plus, l’ordonnance posait la possibilité pour l’organe compétent de satisfaire à son obligation d’information en communiquant tout document ou toute information préalable à l’assemblée par voie électronique. 

L’ordonnance a également eu pour objectif d’adapter les règles de participation et de délibération. 

Premièrement, les assemblées tenues à huis clos, c’est-à-dire sans participation physique des membres, ont été autorisées dans le cas où une mesure administrative, limitant ou interdisant les déplacements ou les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires, faisait obstacle à la présence physique des membres à l’assemblée [5].

Deuxièmement, l’ordonnance précisait que l’organe compétent pour convoquer l’assemblée pouvait décider qu’étaient réputés présents, pour le calcul de quorum et de majorité, les membres des assemblées ou de l’organe de direction qui participaient via une conférence téléphonique ou audiovisuelle. 

Enfin, l’ordonnance favorisait la prise de décisions par voie de consultation écrite, tant pour les décisions en assemblée que pour les organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction. 

Pour l’ensemble de ces dispositions, l’ordonnance venait se substituer aux prévisions statutaires des sociétés en rendant les mesures applicables « sans qu’une clause des statuts ou du règlement intérieur soit nécessaire ».

Les conséquences de la caducité de l’ordonnance du 25 mars 2020 et du décret d’application du 10 avril 2020

Depuis que l’ordonnance et son décret d’application ne sont plus applicables en raison de l’absence de prorogation après le 30 septembre 2021, il convient de se référer aux lois et règlements applicables à chaque forme sociale.

Concernant la convocation aux assemblées et la diffusion des informations préalables à celles-ci, le droit spécial des sociétés prévoit des règles spécifiques pour plusieurs formes sociales mais laisse les statuts en préciser les modalités pour d’autres formes de société. 

Lorsque le Code de commerce s’empare de la question, celui-ci reste néanmoins assez souple quant à l’utilisation de la voie électronique. En effet, le législateur accorde généralement la possibilité d’utiliser la communication électronique en conditionnant son emploi à l’obtention de l’accord des associés [6].

Concernant la participation aux réunions et aux délibérations par voie de visioconférence, le Code de commerce donne également la possibilité aux sociétés de recourir à ce moyen technique, à condition qu’il permette l’identification des participants, transmette leur voix pour garantir leur participation effective et satisfasse à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations. Ces exigences ont d’ailleurs été reprises par l’ordonnance  de 2020 pour conditionner l’utilisation de la visioconférence. 

Ce mode de participation aux décisions est toutefois exclu pour quelques opérations expressément visées et n’est admis qu’en l’absence de disposition contraire des statuts.

Si le Code de commerce semble à première vue encadrer, pour certaines formes sociales, les règles de réunion et de délibération des assemblées et des organes dirigeants, les références récurrentes à la volonté des associés et aux statuts offrent en définitive une certaine liberté aux sociétés.

Après avoir été contraintes pendant la pandémie à s’emparer de méthodes de numérisation pour les prises de décisions, de nombreuses sociétés ont saisi cette opportunité d’organiser leurs statuts pour entamer une démarche personnelle et volontaire de dématérialisation. 

Aujourd’hui, les sociétés prennent l’initiative d’intégrer des technologies numériques dans leurs processus internes de convocation et d’organisation des assemblées ou des organes de direction. Cette tendance marque la pérennisation des mesures de digitalisation imposées pendant la période du Covid-19. 

À l’occasion d’une enquête [7] réalisée au cours de l’année 2023 auprès de plusieurs entreprises, des participants impliqués dans le processus d’organisation d’assemblées générales se sont exprimés sur les outils de digitalisation utilisés par leur organisation. 

Selon le rapport d’enquête, 36% des répondants ont déclaré qu’aucun de leur processus n’était digitalisé avant la crise sanitaire tandis que les statistiques sont tombés à 3% concernant les processus en période post-covid. 

Par ailleurs, l’enquête a révélé que de plus en plus d’organisations ont intégré dans leurs statuts la possibilité de mettre en place leurs futures instances en ligne.

Ces éléments témoignent de l’intérêt grandissant des sociétés pour la construction de nouvelles procédures internes de délibérations, malgré la fin des contraintes posées par la pandémie. 

Il semble évident que les entraves au bon déroulement des assemblées engendrées par la crise sanitaire et les adaptations imposées par le Gouvernement ont conduit les sociétés à s’accoutumer à ces méthodes et à s’approprier les nouveaux outils de communication. De surcroît, les dispositifs de convocation et de participation aux instances en ligne ont permis de répondre à de nombreuses difficultés posées par l’organisation de celles- ci. 

Tout d’abord, ces solutions numériques offrent un gain de temps et d’efficacité face aux procédures répétitives et chronophages de convocation par voie postale. 

De plus, la visioconférence permet une réduction de coûts, liés par exemple aux déplacements des membres sur les lieux de délibération. 

Également, il est possible de percevoir, dans l’autorisation de la numérisation des documents sociaux (procès-verbaux, information précontractuelle, convocations, etc.), un aspect écologique pouvant trouver sa place dans les démarches relatives à la Responsabilité Sociétale des Entreprises.

Enfin, les modes de vote à distance permettent de pallier les difficultés techniques éventuelles pour obtenir le quorum de participation et donnent davantage de flexibilité afin de répondre de manière plus agile et rapide aux enjeux sociaux.

L’utilisation massive de ces alternatives favorise par ailleurs l’essor de la LegalTech [8] et l’émergence de solutions de plus en plus innovantes et performantes.

Ainsi, malgré les conséquences néfastes indéniables de la crise sanitaire pour les entreprises, celle-ci aura tout de même eu pour effet d’inciter les sociétés à entamer une démarche de transition numérique aussi nécessaire que bénéfique.

« Un master d’exception…un avenir d’ambition ! »

Telle est la devise du MAJE qui reflète l’excellence de l’enseignement qui y est dispensé ainsi que le tremplin efficace vers l’emploi que représente le Master.

Cette formule incarne à juste titre la promesse d’une carrière séduisante.

En effet, le MAJE offre une qualité de formation reconnue et permet aux étudiants d’évoluer dans un cadre professionnalisant, permettant une transition progressive vers le monde du travail.

Néanmoins, l’exactitude de cette affirmation est renforcée par la mise en place  d’un réseau professionnel depuis plusieurs années. Précisément, l’équipe pédagogique du MAJE s’efforce de trouver des entreprises de confiance pour accompagner les étudiants dans leurs projets.

Ainsi, c’est avec fierté que la team Edito vous présente le partenaire du MAJE pour l’année 2023-2024 : le cabinet d’avocats TEN France.

Né en 1980 de la fusion entre un cabinet d’avocats poitevin et un cabinet de conseil juridique, TEN France est dédié au contentieux et à l’assistance juridique auprès des entreprise, des collectivités territoriales et des associations sur l’ensemble du territoire national.

TEN France est un cabinet multidisciplinaire qui met au service de ses clients des compétences variées dans de nombreux domaines tels que le droit des affaires, le droit social, le droit public, le droit immobilier, le droit pénal ou le droit de la famille.

Quelques chiffres clés

  • 110 professionnels du droit
  • 70 avocats
  • 4 adresses en France
  • 21 cabinets relais en Europe

TEN France : Une vision augmentée du conseil

En couvrant une large gamme de domaines juridiques, le cabinet TEN France adopte une approche holistique lui permettant de résoudre une problématique globale, étudiée à la lumière de ses divers domaines d’expertise et en considération des particularités présentées par chaque dossier.

Il est effectivement essentiel de tenir compte de la singularité de chaque profil et de saisir le caractère multidisciplinaires des questionnements juridiques des clients.

Cette vision 360° favorise l’implication transversale de plusieurs branches du droit au profit d’une seule et même problématique et incite les professionnels à faire interagir  les connaissances juridiques dont ils ont fait leur spécialité.

Ainsi, le regard croisé des équipes de TEN France sur les enjeux et problématiques spécifiques de chaque client assure l’apport d’une solution complète, personnalisée et adaptée.

TEN France s’impose comme un véritable guichet unique de réponses aux préoccupations juridiques des entreprises et s’inscrit comme un service centralisé d’écoute et de conseil à destination des entrepreneurs.

« Écoute, rigueur de l’analyse, pertinence du conseil, réactivité : voici résumé tout l’ADN du cabinet ! »  – CABINET TEN FRANCE

La fondation du réseau international TEN

Le cabinet TEN France est l’un des fondateurs d’un réseau de cabinets d’avocats européen – The European Network – qui rassemble des cabinets d’avocats à vocation internationale et commerciale dans plus de 20 pays.

L’objectif principal de ce réseau est de favoriser la collaboration et l’échange d’expertise entre les cabinets nationaux afin de parvenir à des solutions efficaces transcendant les frontières nationales.

En effet, de nombreuses problématiques peuvent intéresser les clients nationaux du cabinet ayant des filiales ou des opérations commerciales dans d’autres pays de l’UE, ou étant eux-mêmes des filiales françaises d’entreprises étrangères.

À cette fin, les cabinets membres travaillent de concert et partagent leurs compétences dans une logique de coopération transfrontalière.

Ce réseau qui a vu le jour en 1998 à vocation à s’étendre et à gagner du terrain sur l’ensemble du territoire européen. Une expansion sur la totalité des pays de l’Union Européenne est en effet envisageable étant donné la croissance constante dont fait preuve le réseau TEN.

« L’interaction des compétences au service de vos intérêts » – CABINET TEN FRANCE

Une rencontre avec les étudiants du MAJE

Le 20 mars dernier, les étudiants du Master  2 du MAJE ont eu la chance d’être accueillis au siège social de TEN France.

Ces étudiants en fin de formation et aux portes du monde professionnel ont saisi l’opportunité de cette rencontre afin de s’enrichir des conseils avisés des avocats du cabinet.

Durant une journée entière, ces apprentis juristes ont pu profiter d’instants d’échanges privilégiés pour s’instruire des enseignements pratiques divulgués par les professionnels de TEN France.

« TEN France a la culture du partage ! » – CABINET TEN FRANCE

C’est dans une logique de partage, chère au cabinet, que les étudiants ont bénéficié d’une véritable immersion à travers la découverte de dossiers authentiques, de cas pratiques fondés sur des faits réels ou encore d’anecdotes formatrices.

Cette rencontre très attendue met en avant le rôle essentiel de ce partenaire dans l’accompagnement des étudiants en Master 2 vers le monde de l’entreprise.

Ce partenariat représente incontestablement un appui financier pour le MAJE et un soutien essentiel à la mise en place des projets à l’initiative des étudiants ainsi que des événements qui rythment la vie du Master. Néanmoins, cette journée montre également  que le partage et la transmission de connaissances sont des éléments qui marquent bien plus encore l’essence d’un véritable partenariat.

Capture d'écran 2024-04-17 185642