LA GAZETTE DU MAJE N°22 / Décembre 2023

Le Droit et l'influence - Un regard juridique sur les médias sociaux et les influenceurs

Gazette n°22

Chaque année universitaire voit l’arrivée d’une nouvelle promotion au sein du MAJE. La toute nouvelle team ÉDITO, composée de dix étudiants du Master 2 en Droit de l’entreprise, combinant à la fois le parcours Droit Social et le parcours Droit des Affaires, est enthousiaste à l’idée de vous dévoiler sa toute première gazette. Celle-ci est consacrée à l’examen de l’activité d’influence commerciale sous l’angle juridique.

Étant donné le nombre croissant de personnes ayant fait le choix d’exercer cette activité, il est par conséquent devenu essentiel de mettre en place des réglementations pour encadrer ce domaine. La loi n° 2023-451, dite « influenceurs », promulguée le 9 juin 2023, prévoit de nombreuses mesures visant à encadrer cette activité émergente qui, au fil du temps, tend de plus en plus à devenir une activité professionnelle à part entière.

Son rapprochement et son intégration au secteur de l’emploi ont conduit à l’émergence de contraintes et de législations visant à garantir la protection des différents utilisateurs des réseaux sociaux, qu’ils soient influenceurs, spectateurs ou encore partenaires commerciaux. La team EDITO s’est intéressée aux nombreuses facettes de cette réglementation et vous propose de découvrir celles-ci au sein de cette gazette.

Vous souhaitant une bonne lecture.

REMERCIEMENTS : Nous souhaitons adresser nos sincères remerciements à nos directeurs de Master, Madame Gwenola BARGAIN et Monsieur Benjamin LAVERGNE pour leur soutien tout au long du processus de rédaction de cette première gazette, ainsi que pour leur disponibilité face à nos nombreuses interrogations. Nous tenons également à remercier Monsieur Grégoire HAMELIN, Secrétaire général de l’Union Départementale des Syndicats Force Ouvrière d’Indre et Loire, pour sa précieuse contribution.

Aujourd’hui, ce sont plus de 150 000 personnes qui exercent l’activité d’influenceur en France. Cette activité est en perpétuelle expansion.

Au début des années 2000, un nouveau genre télévisuel apparaît : la téléréalité. À travers divers programmes, des jeunes candidats se font connaître du grand public et génèrent un nouveau business lucratif et attractif. Ces candidats sont ce que l’on appelle des influenceurs et leur image est désormais utilisée par de nombreuses marques et enseignes au travers de campagnes publicitaires sur différents réseaux sociaux – particulièrement sur Instagram, Snapchat et Tiktok.

Aux côtés des candidats de téléréalité, d’autres personnes exercent maintenant une profession sur les réseaux sociaux. On retrouve à la fois des jeunes – même très jeunes – mais aussi des plus âgés ayant des parcours de vie différents.

En l’absence de réglementation, cette activité d’influence a connu certaines dérives – telles que la promotion de la chirurgie esthétique et de sites de dropshipping [1] ou la surmédiatisation des enfants. Il est alors apparu nécessaire de la définir et de la réglementer.

La loi n°2023-451 du 9 juin 2023 est venue encadrer l’influence commerciale et lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Afin de la compléter et de la préciser, un Guide de bonne conduite « Influenceurs et créateurs de contenus » a été publié par le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique en juillet 2023.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Qu’est-ce qu’un influenceur ?

Les influenceurs sont désormais définis comme « Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique » [2] .

Le guide de bonne conduite reformule cette définition en termes plus succincts. Toute personne qui fait la promotion d’une marque et qui reçoit une contrepartie financière ou en nature est un influenceur.

Ce guide précise aussi qu’il existe des incompatibilités entre l’activité d’influenceur et certaines professions. En effet, certains salariés ou agents publics ne peuvent pas cumuler cet emploi avec l’activité d’influenceur. Le site officiel de l’administration française prévoit une information des citoyens sur leurs droits en la matière [3] .

Comment devenir un influenceur ?

Pour professionnaliser son activité, un influenceur peut créer son entreprise.

La forme de celle-ci sera différente en fonction de l’activité exercée :

– Elle sera commerciale si l’influenceur fait la promotion de biens ou de services en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature. Ce dernier devra alors s’immatriculer au RCS (Registre du commerce et des sociétés) ;

– Elle sera indépendante si l’influenceur ne fait pas la promotion de biens ou de services en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature ou s’il exerce une activité de création artistique.

Dans tous les cas, l’influenceur devra s’immatriculer au registre national des entreprises en passant par la procédure du guichet unique au plus tôt un mois avant le démarrage de l’activité et au plus tard 15 jours après celui-ci [4] .

Quels sont les droits et devoirs de l’influenceur sur le contenu qu’il crée ?

Les influenceurs bénéficient du droit d’auteur moral et patrimonial sur leurs contenus. Le droit moral protège les intérêts non-économiques de l’auteur et le droit patrimonial lui permet de percevoir une rémunération pour l’exploitation de son contenu par un tiers. L’influenceur doit donc donner son autorisation avant toute exploitation de celui-ci. Ici, on retrouve une application stricte des règles relatives au droit de la propriété intellectuelle.

Les influenceurs sont eux aussi soumis à ces règles en ce qu’ils doivent respecter les droits que possèdent les auteurs sur leurs œuvres. Dans de nombreuses publications sur les réseaux sociaux, des musiques sont utilisées, ils doivent veiller à ce que ces dernières soient tombées dans le domaine public, qu’elles soient libres de droit ou qu’ils aient obtenu l’autorisation de leurs auteurs pour les utiliser. Le non-respect des différentes règles relatives au droit d’auteur fait l’objet de sanctions civiles et pénales réprimant l’infraction de contrefaçon.

Quel est le rôle de l’agent d’influenceur ?

Aujourd’hui, une majorité des influenceurs a un agent. En effet, ils sont représentés et accompagnés par des agences dans les différentes étapes de leurs activités – comme lors de la recherche de partenariats par exemple. L’article 12 du code de bonne conduite définit l’agent d’influenceur comme « celui dont l’activité consiste, à titre onéreux, à représenter les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influence commerciale définie dans la loi, auprès des personnes physiques ou morales et, le cas échéant leurs mandataires, sollicitant leur service, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque ».

Cette relation agent – influenceur doit être formalisée dans un contrat de représentation qui prévoit le rôle et la responsabilité de l’agence ainsi que sa rémunération.

L’agent d’influenceur joue un rôle prépondérant puisqu’il doit s’assurer que l’influenceur qu’il représente est en conformité avec la loi de juin 2023. En cas de préjudice causé à autrui lors de l’activité d’influence, notamment par une promotion interdite [5] , seront solidairement responsables civilement non seulement l’influenceur et l’annonceur mais aussi les intermédiaires tels que les agents d’influenceur.

Comment devenir un influenceur responsable ?

Le guide de bonne conduite réserve tout un chapitre sur « comment devenir un influenceur responsable » pour aller au-delà de la loi.

Un point d’honneur est mis sur la liberté d’expression. En effet, celle-ci connaît des limites. Chacun est libre d’exprimer ses opinions publiquement tant que cela ne porte pas atteinte aux droits d’autrui. Si un influenceur critique une marque publiquement, il peut être poursuivi pour diffamation ou dénigrement [6] .

En outre, l’influenceur ne peut pas inciter à la haine, à la discrimination ou à la violence. On retrouve ici les règles de droit commun en matière de libertés fondamentales et de droit pénal.

De plus, est prohibée la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l’ordre public ou d’altérer la sincérité des élections. Les plateformes en ligne doivent prendre des mesures pour lutter contre ce fléau. Les influenceurs, étant suivis par des milliers de personnes – plus ou moins influençables – ont pour responsabilité de vérifier les informations avant de les publier ou de les relayer.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) a mis en œuvre différents dispositifs afin d’aider les influenceurs à se responsabiliser. Elle a publié un Code des Recommandations [7] .

L’ARPP a aussi créé en septembre 2021 le certificat de l’influence responsable. Ce dernier est délivré aux influenceurs suivant une formation en ligne de 3h30 les informant et leur donnant les outils nécessaires à la protection de leur audience.

En plus de toutes les règles de Soft Law que nous avons évoquées, ce guide rappelle les nouvelles dispositions ajoutées par la loi dite « loi influenceurs », telles que la marche à suivre sur les questions relatives au travail des mineurs, les règles fiscales, les contrats de partenariats, les communications prohibées, les sanctions des différentes dérives. Ces points seront développés dans la suite de la Gazette.

Références :

[1] V. infra page 8 : Qu’est-ce que le « dropshipping » ?

[2] Article 1 de la Loi n°2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (1)

[3] À quelles conditions un salarié peut-il cumuler plusieurs emplois ? (s. d.). Service-public.fr. Consulté le 24 octobre 2023, à l’adressehttps://www.servicepublic.fr/particuliers/vosdroits/F1945 Un agent public peut-il cumuler son emploi avec une activité privée ? (s. d.). Service-public.fr. Consulté le 24 octobre 2023, à l’adresse https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1648

[4] Tout savoir sur le guichet unique pour les formalités des entreprises (s. d.). Economie.gouv.fr Consulté le 24 octobre 2023, à l’adresse https://www.economie.gouv.fr/entreprises/toutsavoir-guichet-unique-formalitesentreprises#:~:text=Le%20guichet%20unique%20vous%20per met,organismes%20fiscaux%2C%20etc.).

[5] V. infra page 7 : Des interdictions de promotions dans le cadre de l’activité d’influence

[6] La diffamation est définie par toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé (article 29 de la Loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse). Le dénigrement caractérise la situation dans laquelle même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure (Cour de cassation, 4 mars 2020, n°18- 15.651).

[7] Recommandations déontologiques de l’ARPP. (s. d.). ARPP. Consulté le 24 octobre 2023, à l’adresse https://www.arpp.org/nous-consulter/regles/regles-dedeontologie/

La loi du 9 juin 2023 dite « loi influenceurs » [1] est venue soumettre le monde de l’influence à de nombreuses obligations, Parmi ces dernières, l’obligation d’information des utilisateurs a suscité une attention particulière du législateur. Celui-ci contraint désormais les influenceurs à informer leurs abonnés quant au caractère commercial et promotionnel de leurs contenus et quant aux retouches apportées aux images qu’ils diffusent.

Le caractère commercial ou publicitaire des contenus

Tous les influenceurs au sens de la loi susmentionnée doivent obligatoirement informer leur communauté sur le caractère commercial ou publicitaire de leurs contenus (article 5, I).

Concrètement, pour remplir cette obligation les influenceurs devront indiquer la mention « Publicité » ou « Collaboration commerciale ».

Cette mention devra :

– Être affichée de manière claire, lisible et identifiable sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats ;

– Être mentionnée durant toute la durée de la promotion ;

– Identifier clairement l’annonceur ou la marque pour le compte duquel la communication commerciale est réalisée.

Reste à savoir ensuite comment ces exigences légales pourront être mises en œuvre en pratique. L’interrogation est la suivante, doit-on considérer que les mentions proposées par les réseaux sociaux visant à indiquer le caractère commercial d’un contenu, telles que « partenariat rémunéré » « collaboration » « sponsorisé » « ad » sont valables au sens de la présente loi ?

D’après une interprétation exégétique, consistant à s’en tenir au sens littéral du texte, ces mentions proposées par les plateformes [2] ne devraient pas permettre aux influenceurs de remplir leur obligation d‘information, dès lors que les mentions « publicité » ou « collaboration commerciale » semblent être exclusives de toute autre mention.

À l’inverse, d’après une interprétation téléologique, consistant à rechercher l’objectif poursuivi par la règle de droit, ces mentions proposées par les plateformes devraient pouvoir être assimilées à celles mentionnées dans la présente loi. Telle est d’ailleurs l’interprétation du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique qui indique que : « La plupart des plateformes proposent aujourd’hui une fonctionnalité pour préciser si un contenu est commercial ou publicitaire. Utilisez-la » [3] .

Le décret en Conseil d’Etat qui doit fixer les modalités d’application de ces dispositions (article 5, V) répondra peut-être à ces interrogations [4]. En attendant, les influenceurs soucieux de se mettre en conformité, devront sûrement, pour se prémunir d’éventuelles sanctions, intégrer ces mentions obligatoires dans leurs contenus avant leur publication.

À noter : depuis fin septembre 2023, après que l’UMICC (Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs) en a formulé la demande auprès de plateformes en ligne en vue de faciliter le respect de la réglementation pour les influenceurs, Tiktok et Instagram proposent désormais la possibilité d’utiliser la mention « Collaboration commerciale » [5] .

Les images retouchées ou virtuelles

Par ailleurs, lorsqu’ils font la promotion de biens, services ou d’une cause quelconque, tous les influenceurs doivent obligatoirement informer leur communauté dès lors qu’ils publient des images ayant subi des modifications (article 5, II).

Concrètement, pour remplir cette obligation, les influenceurs devront indiquer :

– La mention « Images retouchées » dès lors qu’ils recourent à des procédés de traitement d’image visant à affiner ou à épaissir une silhouette ou à modifier l’apparence du visage ;

– La mention « Images virtuelles » dès lors qu’ils recourent à des procédés d’intelligence artificielle qui visent à représenter un visage ou une silhouette.

Dans les deux cas, ces mentions devront être affichées :

– De manière claire, lisible et identifiable sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats ;

– Durant l’intégralité du visionnage.

Concernant, ensuite, la mise en pratique de ces obligations, là encore des interrogations subsistent. Les réseaux sociaux ne prévoient en effet pas, à l’heure actuelle, de mentions permettant aux influenceurs d’alerter leurs abonnés quant aux images modifiées ou générées par l’intelligence artificielle. En attendant, là encore, la publication du décret en Conseil d’Etat qui doit fixer les modalités d’application de ces dispositions (article 5, V) [6], les influenceurs devront, pour se prémunir d’éventuelles sanctions, faire en sorte d’intégrer ces mentions à leurs contenus avant leurs publications.

Concernant, enfin, la ratio legis de cette nouvelle obligation, elle vise à lutter contre deux phénomènes plus globaux : d’une part, l’impact négatif des réseaux sociaux sur l’image corporelle et d’autre part, la propagation sur les réseaux sociaux de contenus créés par l’intelligence artificielle.

Alors que la mention « Images retouchées », au- delà de la simple information des abonnés, vise de manière plus globale à lutter contre certains phénomènes tels que le trouble dysmorphique du corps [7] ou le body shaming [8] , accentués sur les réseaux sociaux, la mention « Images virtuelles » vise, quant à elle, à lutter contre la propagation des contenus générés par l’intelligence artificielle sur les réseaux sociaux. Le législateur s’était par exemple saisi de cette problématique des images modifiées en créant un délit spécifique à l’article 226-8 du Code pénal [9] .

 

Références :

[1] Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux

[2] « La notion de « plateforme » est définie par divers textes juridiques d’origine nationale et européenne. En l’absence d’une définition unique, les notions de plateforme dite de « contenu » de « communication » ou « en ligne » seront utilisées de manière interchangeable pour désigner les plateformes au sens large (ex : Facebook, Tiktok, Instagram…) »

[3] Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Influenceurs et créateurs de contenus, Guide de bonne conduite, Juillet 2023, p.12 [4] Décret dont la publication est envisagée en novembre 2023 – Légifrance, (s.d.), Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 – Échéancier législatif. Consulté le 21 octobre 2023, à l’adresse https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000047381960/?detailType=ECHEANCIER&detailId=

[5] Roche, M. (2023, 4 octobre). La mention « collaboration commerciale » arrive sur Instagram. Les Gens d’Internet. Consulté le 21 octobre 2023, à l’adresse https://gensdinternet.fr/2023/10/04/la-mentioncollaboration-commerciale-arrive-sur-instagram/

[6] Décret dont la publication est envisagée en novembre 2023 – Légifrance, (s.d.), Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023, op. cit.

[7] La dysmorphophobie est caractérisée par une préoccupation concernant des défauts perçus de l’apparence physique qui ne sont pas apparents ou apparaissent léger à d’autres personnes. Le souci de l’apparence doit provoquer une détresse cliniquement significative ou un trouble du fonctionnement. Phillips, K. A. (2023, juin). Dysmorphophobie. Édition professionnelle du Manuel MSD. Consulté le 8 novembre 2023, à l’adresse https://www.msdmanuals.com/fr/professional/troublespsychiatriques/troubles-obsessionnels-compulsifs-ettroubles-similaires/dysmorphophobie

[8] Le body shaming désigne le blâme que subit une personne par une autre personne ou un groupe d’individus (souvent sous forme de mots cruels), à cause de l’apparence de son corps, lequel peut être jugé trop gros, trop maigre, trop musclé, etc.

[9] Ce délit réprime le fait de publier un montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement et qu’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou qu’il n’en est pas expressément fait mention.

« L’influence commerciale est dans les faits une véritable filière économique. Elle doit le devenir dans le droit ».

Tels sont les propos liminaires de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, dans le dossier de presse du 24 mars 2023 sur l’accompagnement des influenceurs et la protection des consommateurs.

Cette observation a mis en avant la nécessité d’encadrer les pratiques commerciales des influenceurs qui représentent aujourd’hui plus de 150 000 personnalités en France. Si les influenceurs étaient auparavant ignorés par le droit, la méconnaissance de ce statut n’est maintenant plus compatible avec la place croissante du secteur de l’influence dans notre société.

Face à l’expansion des métiers de l’influence et aux nombreux enjeux socio-économiques, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a enquêté sur les pratiques commerciales d’une soixantaine d’influenceurs ciblés depuis 2021. Les pratiques de 60 % des influenceurs contrôlés présentaient des anomalies par rapport à la réglementation sur la publicité et aux droits des consommateurs [1] .

Ce constat alarmant est l’une des justifications de la mise en place d’un cadre légal de référence pour les influenceurs à travers la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Des interdictions de promotions dans le cadre de l’activité d’influence

Si la loi du 9 juin 2023 dite loi “influenceurs” [2] prévoit une obligation d’information et de transparence qui contraint les influenceurs à préciser l’intention commerciale derrière leurs publications [3] , celle-ci pose en premier lieu un certain nombre d’interdictions en matière de promotion commerciale.

L’encadrement du milieu de l’influence est une démarche transpartisane et un travail de concertation impliquant différents acteurs. Le projet a fait notamment l’objet d’une consultation publique afin de recueillir l’avis des Français. Pour 80% des participants, l’interdiction de la promotion de certains produits était un problème prioritaire [4] . À ce titre, les articles 3 et 4 de la loi du 9 juin 2023 viennent poser des interdictions de promotions relatives à certains biens et services.

Ces articles clarifient le champ d’application des règles de restriction de la publicité. Les règles qui s’appliquent aux influenceurs sont les mêmes que les autres communications commerciales encadrées notamment par la loi EVIN de 1991 qui restreint la liberté de communication directe et indirecte concernant le tabac et l’alcool. Sont également encadrées les publicités relatives aux produits pharmaceutiques et cosmétiques, aux actes de médecine ou de chirurgie esthétique, aux jeux d’argent et de hasard, etc.

Ces interdictions s’expliquent par des motifs d’ordre public et d’intérêt général tels que la protection de la santé publique ou le respect de l’environnement. Cependant, dans le cadre de cette nouvelle loi, ces interdictions prennent une nouvelle dimension compte tenu du public spécifique auquel s’adressent les influenceurs.

En effet, l’essentiel de l’audience des influenceurs est composé de mineurs et de jeunes adultes, un public vulnérable et influençable.

De fait, les risques liés à la promotion de produits sensibles tels que les jeux d’argent ou la chirurgie esthétique sont avérés. Le Collectif d’Aide aux Victimes d’Influenceurs (AVI) a signalé une hausse des tentatives de suicide et de détresse psychologique de personnes précaires qui ont été entrainées dans des situations d’endettement à la suite de la promotion d’influenceurs sur des pratiques de placement financier à risque. Sont également à noter la hausse des admissions à l’hôpital de patients mineurs ou jeunes ayant suivi des régimes préconisés par les influenceurs ainsi que la hausse des opérations de chirurgie esthétique [5] .

Les différentes interdictions de publicité font l’objet de sanctions définies, soit dans les codes concernés (Code de la santé publique, Code de la consommation etc.), soit dans la loi du 9 juin 2023 qui prévoit une peine pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement, 300 000 euros d’amende et s’accompagner d’une peine complémentaire d’interdiction de l’activité d’influence commerciale.

La lutte contre les dérives du dropshipping

Qu’est-ce que le « dropshipping » ?

Le dropshipping ou « livraison directe » est un système de vente sur internet dans laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit. La livraison de la marchandise au consommateur final est assurée par le fournisseur du vendeur.

Le dropshipping est une activité de e-commerce qui attire un très grand nombre d’influenceurs. L’absence de nécessité de locaux et de gestion de stocks attire les influenceurs qui se lancent dans ces pratiques lucratives expliquées par une fixation d’un prix de vente élevé par rapport au prix initial d’achat.

Néanmoins, depuis son lancement en février 2020, la plateforme SignalConso, mise en place par la DGCCRF et permettant aux consommateurs de signaler des problèmes rencontrés avec des professionnels, a enregistré plus de 2 000 plaintes dénonçant des pratiques de dropshipping en 2020 et plus de 4 000 en 2021 [6] .

En effet, si ce type de vente est légal, celui-ci est cependant encadré. À cette fin, la loi du 9 juin 2023 rappelle dans son article 6 les obligations des influenceurs qui se livrent à une telle activité. Au sens de l’article 15 de la loi 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, le vendeur qui se limite à la commercialisation des produits est cependant responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat de vente.

De surcroît, les vendeurs sont tenus de communiquer aux acheteurs les informations précontractuelles prévues à l’article L. 221-5 du Code de la consommation en plus des informations relatives à l’identité réelle du fournisseur et aux détails du produit distribué. Enfin, les influenceurs doivent surtout s’assurer de la disponibilité et de la licéité des produits.

Si ces exigences semblent aller de soi, les médias [7] se sont pourtant emparés ces dernières années des dérives du dropshipping. De plus, plusieurs comptes sur les réseaux sociaux ont vu le jour et sont notamment dédiés au référencement de placements de produits aussi loufoques qu’hasardeux [8] . Produits de mauvaise qualité, dangereux ou contrefaits, délais de livraison abusifs, commandes non-livrées, services après-vente inexistants ; autant de cas qui ont mis en lumière la nécessité de rappeler aux influenceurs leurs obligations dans le cadre de ces ventes à distance d’ampleur ainsi que la vigilance dont doit faire preuve leur public.

Simple régulation ou guerre antiinfluenceurs ?

Depuis quelques années, on observe la multiplication de dénonciations sur les réseaux sociaux de ces pratiques commerciales. Les personnes anonymes à l’origine de ces comptes se revendiquent comme de véritables lanceurs d’alertes ayant pour objectif d’avertir les internautes des arnaques qui se cachent derrière les publications commerciales de leurs influenceurs préférés.

Néanmoins, la détection de ces pratiques commerciales douteuses s’est rapidement transformée en une véritable traque. Au-delà d’un simple avertissement, les influenceurs soupçonnés de tromper leurs abonnés ont fait l’objet d’un certain acharnement.

Ce combat a notamment pris de l’ampleur lorsque le rappeur Élie Yaffa, plus connu sous le nom de scène « Booba », s’est lancé dans une véritable guerre contre ce qu’il appelle les « influvoleurs ». Celui-ci a mis à profit sa notoriété pour dénoncer sans relâche les pratiques commerciales douteuses de Magalie Berdah, la fondatrice de la plus grosse agence de stars de la téléréalité. À la suite d’un déferlement de haine et de menaces, ce dernier a été mis en examen pour cyberharcèlement et placé sous contrôle judiciaire.

Il est incontestable que loi du 9 juin 2023 répond à la nécessité de calmer cette agitation médiatique qui révélait en définitive une profonde lacune dans l’encadrement de ces pratiques. Malgré les méthodes de dénonciations contestables, cet événement aura eu le mérite de tirer le signal d’alarme et d’attirer l’attention des politiques qui se sont alors emparés du sujet.

Néanmoins, à l’approche de l’examen de la proposition de loi d’encadrement de l’influence, 150 influenceurs ont signé une tribune à l’initiative de l’UMICC (Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu) interpellant les députés.

Les signataires tenaient à rappeler le véritable objectif des influenceurs et la qualité des contenus proposés aux internautes. Ceux-ci s’indignaient d’être discrédités, considérés comme une menace et d’être assimilés à une minorité.

« Nous entendons parler des “ influvoleurs ”, “du combat à mener” contre nous. Nous pensons que c’est une erreur. Qu’une minorité est devenue une généralité. » Extrait de la tribune rédigée par l’UMICC et diffusée dans le Journal du Dimanche le 25 mars 2023

Cette tribune a fait polémique et a mis en lumière une divergence des points de vue sur ce projet. En effet, certains influenceurs se sont désolidarisés de cette tribune. Là où les signataires ont perçu le projet comme une punition injustifiée, certains influenceurs ont pris la parole pour féliciter cette initiative législative qui permet aujourd’hui la reconnaissance juridique de ce métier émergent ainsi que la constatation légale des droits et devoirs des influenceurs ainsi que de leurs agents.

 

Références :

[1] Communiqué de presse n°525, DGCCRF, Marketing d’influence : 60% des influenceurs ciblés par la DGCCRF en anomalie, 23/01/2023

[2] Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (1) – LégiFrance.

[3] V. supra page 4 : Le caractère commercial ou publicitaire des contenus

[4] Découvrez les résultats de la concertation influenceurs.. https://about.make.org/fr/results-dialogue-bercy

[5] Assemblée nationale. (s. d.). Rapport n°804 – 16e législature – Assembléenationale. https://www.assemblee- nationale.fr/dyn/16 /rapports/cion-eco/l16b0804_rapport-fond

[6] Assemblée Nationale. (s. d.). Question n°40713 – Assemblée Nationale. https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15- 40713QE.htm

[7] France 2, Complément d’enquête « Arnaques, fric et politique : le vrai business des influenceurs », 11 septembre 2022

[8] Stop Arnaque, Instagram. (s. d.). https://www.instagram.com/stop_arnaque/?igshid=YmMy%20MTA2M2Y%3D

Les influenceurs sont suivis par plusieurs milliers – voire millions – d’abonnés. Ce sont des collaborateurs cruciaux pour les marques qui souhaitent s’implanter auprès des 15 – 34 ans puisqu’elles pourront bénéficier de l’influence et de l’audience dont disposent les influenceurs [1]. Les relations influenceurs – marques sont parfois compliquées, il est alors apparu nécessaire de les réglementer.

Les relations entre les influenceurs et les marques

Ces relations peuvent prendre plusieurs formes en fonction des projets définis et des problématiques de chaque partie. Souvent, les marques vont employer un influenceur pour promouvoir leurs produits ou services en utilisant leur visibilité sur les réseaux sociaux. On parle alors de marketing d’influence.

D’autres relations sont des partenariats à long terme au cours desquels les marques et les influenceurs collaborent sur plusieurs mois au travers de relations continues et de publications fréquentes promouvant les produits ou services de l’annonceur.

En outre, les influenceurs peuvent créer des contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux et être rémunérés par les marques. De nombreux contenus sponsorisés sont accompagnés de codes de réduction ou liens d’affiliations. Si un abonné achète sur le site affilié en utilisant le lien ou le code promotionnel alors une commission sur les ventes est reversée à l’influenceur. Ils peuvent aussi recevoir des cadeaux ou échantillons gratuits, les annonceurs espérant que ces derniers en parlent ensuite sur leurs réseaux sociaux.

Le contrat entre la marque et l’agence

Plusieurs types de contrats peuvent être signés lorsqu’une marque s’associe à un influenceur :

– Le contrat de partenariat entre l’influenceur et la marque ;

– Le contrat de partenariat entre l’agence d’influence et la marque ;

– Le contrat de représentation entre l’influenceur et l’agence d’influence .

L’agence d’influence joue un rôle prépondérant dans les relations entre les marques et l’influenceur lui-même. L’agence va conseiller et accompagner ses influenceurs en gérant leur image, développant leur stratégie commerciale et en apportant un accompagnement dans les négociations avec les annonceurs [2] .

L’agent est un intermédiaire entre l’influenceur qu’il représente et les marques. Il lui apporte le plus souvent des conseils légaux et juridiques lui permettant de structurer ses relations commerciales. L’agent doit veiller non seulement à ce que les collaborations et partenariats avec les marques soient rentables mais aussi à ce qu’ils respectent les réglementations en vigueur. Fréquemment, l’agent est lui-même lié à la marque contractuellement afin de sécuriser leur collaboration et de garantir le paiement des agences.

Le contrat d’influence commerciale est-il obligatoire ?

Le contrat d’influence commerciale devient obligatoire lorsque la rémunération de l’activité ou la valeur totale cumulée de des avantages en nature concédés en échange de celle-ci cette activité devient supérieure dépasse à un montant déterminé défini par décret en Conseil d’Etat [3] .

La loi impose que le contrat d’influence commerciale contienne plusieurs informations telles que celles relatives à l’identité des parties, à leurs coordonnées postales et électroniques ainsi qu’à leur pays de résidence fiscale mais aussi la nature des missions confiées, la rémunération et les modalités de sa détermination, les droits et les obligations des parties et la soumission du contrat au droit français et à la loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux [4] .

La transparence et l’éthique dans les relations d’influence commerciale

Il est nécessaire de s’assurer que les relations d’influence commerciale sont transparentes et éthiques. En effet, pour maintenir une relation de confiance entre l’influenceur et son audience, l’intégrité des partenariats doit être garantie.

La nature des relations entre l’influenceur – ou l’agence d’influence – et la marque doit être clairement indiquée dans un souci de transparence. Dans ce même but, lorsqu’un produit ou un service a été reçu gratuitement, cela doit être signalé. De plus, il est important que l’influenceur partage honnêtement son expérience client et donne un avis juste et cohérent avec l’utilisation qu’il fait du produit ou du service.

Or, cette exigence de sincérité de la part de l’influenceur est difficile à vérifier en pratique. Nombreux sont ceux qui exagèrent les bienfaits de ce qu’ils promeuvent afin de maintenir une relation commerciale avec la marque

Aussi, les influenceurs ne sont-ils pas des experts et peuvent prodiguer des conseils mensongers ou des avis biaisés.

Collaborer avec un influenceur qui manque de sincérité peut entraîner une perte de crédibilité pour une marque, car le public ciblé risque de perdre confiance dans les promotions faites par ce dernier.

Le refus de certaines marques de collaborer avec des influenceurs

Certaines marques refusent d’être liées à des influenceurs afin de préserver leur image et leur réputation. L’Observatoire Cetelem, la structure d’études et de veille économique de BNP Paribas Personal Finance, a révélé que 70% des Français ont une mauvaise image des influenceurs. Par conséquent, travailler avec eux peut apparaître comme un pari risqué pour les marques ayant une image qualitative [5] .

Les marques peuvent refuser d’être associées à un ou plusieurs influenceurs pour de nombreuses raisons telles que l’image négative de ces derniers, leurs valeurs opposées à celles de la marque, ou leurs audiences inappropriées pour n’en citer que quelques-unes.

 

Références :

[1] D’après une étude de Médiamétrie 2 abonnés sur 3 ont entre 15 et 34 ans.

[2] https://www.foll-ow.com/management

[3] Décret dont la publication est envisagée en novembre 2023 – Légifrance, (s.d.), Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 – Échéancier législatif. Consulté le 21 octobre 2023, à l’adresse https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000047381960/?detailType=ECHEANCIER&detail%20Id=%E2%80%9D

[4] Article 8 Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (1)

[5] L’Observatoire Cetelem – BNP Paribas Personal Finance. (2023, juin). Influenceurs : la crise de confiance ? L’Observatoire Cetelem. Consulté le 25 octobre 2023, à l’adresse https://observatoirecetelem.com/leszooms/influenceurs-la-crise-de-confiance

Les réseaux sociaux occupent une place prépondérante dans la vie des individus. L’arrivée massive de ce nouveau levier de communication a posé de nombreux problèmes juridiques, dont celui de l’exposition d’une personne physique sur Internet, qu’elle soit majeure ou mineure. Cet écrit s’intéresse au cadre juridique entourant l’exposition d’une personne mineure sur Internet, et particulièrement sur les réseaux sociaux.

S’agissant du contexte, la fin des années 2010 peut être considérée comme l’âge d’or des mineurs « influenceurs ». A cette époque, de vives réactions sur les réseaux sociaux dénonçaient l’exposition de ces mineurs et le manque de cadre juridique entourant leur situation particulière. En effet, le Parlement n’avait pas encore légiféré sur le sujet. Plusieurs problèmes juridiques se sont dessinés à cette époque.

La majorité du contenu des créateurs mineurs vise les enfants. Or, la plupart du temps, les placements de produits n’étaient soit pas déclarés explicitement, soit précisés uniquement dans la description de la vidéo, alors même que la majorité des spectateurs n’y portait pas leur attention. Il y avait alors un problème de transparence de publicité sur les produits testés, de promotion biaisée par un placement implicite du produit que le consommateur ne pouvait identifier.

Pourtant, un cadre juridique relatif à la publicité existait déjà à cette époque :

– l’article 43 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que « Toute forme de publicité accessible par un service de communication audiovisuelle doit être clairement identifiée comme telle. Elle doit également permettre d’identifier la personne pour le compte de laquelle elle est réalisée » [1] ;

– l’article 20 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose que « Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée. » . [2]

Il faut aussi indiquer que des questions liées à l’image des mineurs sur internet se posent. Les plus importantes sont certainement celles liées au droit à l’oubli, notamment pour leurs futures vies d’adultes. De plus, certains influenceurs ont subi des vagues de harcèlement.

Fort heureusement, le législateur est depuis intervenu à plusieurs reprises afin d’encadrer les pratiques que les influenceurs et les créateurs de contenus exercent, et des effets néfastes qu’ils peuvent endurer. Il sera question ici de repérer quels apports législatifs ont pu améliorer l’encadrement des personnes mineures sur les plateformes de partage de contenu [3] .

La loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 encadrant l’activité des enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne [4]

Le contenu des mineurs influenceurs est majoritairement destiné aux enfants, mais ils ne sont pas les seuls à avoir accès à ce contenu. De fait, se pose le problème de l’exposition de jeunes personnes sur des réseaux sociaux où des utilisateurs malveillants ont accès à leurs publications. Le Parlement a légiféré sur le sujet, afin d’encadrer l’activité des enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne. Cette loi est entrée en vigueur le 19 avril 2021.

L’apport de l’article 4 de la loi doit être relevé. Son champ d’application est très large puisqu’il concerne « tous les services de plateforme de partage de vidéos » [5] . Les plateformes ont eu l’obligation d’adopter des chartes, qui ont notamment pour objet de :

– favoriser l’information des utilisateurs sur les dispositions de nature législative ou réglementaire applicables en matière de diffusion de l’image d’enfants de moins de seize ans par le biais de leurs services et sur les risques, notamment psychologiques, associés à la diffusion de cette image ;

– favoriser l’information et la sensibilisation des mineurs de moins de seize ans sur les conséquences de la diffusion de leur image sur une plateforme de partage de vidéos, sur leur vie privée, en termes de risques psychologiques et juridiques et sur les moyens dont ils disposent pour protéger leurs droits, leur dignité et leur intégrité morale et physique ;

– favoriser le signalement, par leurs utilisateurs, de contenus audiovisuels mettant en scène des enfants de moins de seize ans qui porteraient atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale ou physique de ceuxci.

Tous les enjeux évoqués sont d’une importance clé pour la protection des mineurs, et notamment des mineurs influenceurs. Les plateformes assument une part conséquente de l’encadrement des mineurs sur Internet.

Il a également été question du droit à l’effacement des données à caractère personnel. Ce droit a été institué par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. L’article 6 de la loi a créé une mesure intéressante. Le consentement des titulaires de l’autorité parentale n’est plus requis pour la mise en œuvre, par une personne mineure, du droit à l’effacement des données à caractère personnel prévu à l’article 51 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux [6]

Cette loi a fait l’objet d’un relai particulier sur les réseaux sociaux. En effet, elle est à l’origine d’un mouvement initié depuis de nombreuses années par des personnes dénonçant des abus de la part d’influenceurs, principalement sur des placements de produits mensongers.

L’apport principal de cette loi est qu’elle permet aux influenceurs mineurs âgés de moins de seize ans de bénéficier désormais des règles protectrices du Code du travail et de la loi de 2020 précédemment citée.

Plusieurs apports sont à relever dans cette loi : les représentants légaux doivent obtenir un agrément ou une autorisation individuelle de l’administration pour prendre en vidéos et/ou les diffuser (i) ; les représentants légaux doivent également signer les contrats avec les annonceurs (ii) ; et une obligation financière pèse aussi sur les représentants légaux, ils devront en effet consigner une partie des revenus issus de cette activité jusqu’à la majorité de l’enfant (iii).

Il entend aussi les règles sur le travail des enfants sur les plateformes de partage de vidéos prévues par la loi no 2020-1266 du 19 octobre 2020, à toutes les plateformes en ligne, et non plus aux seuls services de plateforme de partage de vidéos.

Le guide de bonne conduite des Influenceurs et créateurs de contenus paru en juillet 2023 [7]

Paru en juillet 2023, ce guide de bonne conduite a été conçu par le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Il traite, entre autres, des mineurs présents dans des vidéos d’influenceurs, mais également des mineurs de moins de seize ans créateurs de contenus. Il a pour but de conseiller ces individus et de s’adresser directement à eux [8]. Le chapitre « Suis-je un influenceur et quelles sont les démarches à suivre ? » et sa section 3, « Je suis mineur, puis-je devenir influenceur ? » apportent plusieurs renseignements :

Pour les mineurs de moins de 16 ans, ils peuvent être employés par une entreprise exerçant l’activité d’influence commerciale. Pour ce faire, il est nécessaire d’obtenir un agrément préalable auprès des services de l’Etat, et que 90% des sommes perçues via l’influence commerciale soient consignées jusqu’à leur majorité.

Cela fait écho à une protection pécuniaire vis-à-vis de leurs parents ; il est rappelé que les parents ne peuvent détourner l’argent perçu grâce aux vidéos, pour leurs propres intérêts, comme cela a pu être le cas par le passé pour certains mineurs influenceurs.

Pour les mineurs de plus de 16 ans et moins de 18 ans non émancipés :

– ils peuvent créer et gérer une société unipersonnelle ou reprendre et gérer une entreprise individuelle à responsabilité limitée exerçant cette activité, avec l’autorisation des représentants légaux qui auront un pouvoir décisionnel sur certains actes ;

– ils peuvent être employés par une entreprise exerçant une activité d’influence commerciale, à condition que les représentants légaux donnent l’autorisation et signent le contrat de travail du mineur. Précision faite que s’ils ont seize ans révolus et qu’ils sont émancipés, ils peuvent alors agir tel un majeur, c’est-à-dire sans demande d’autorisation préalable de leurs représentants légaux.

La proposition de loi du 19 janvier 2023 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants [9]

Débattue au Parlement depuis juin 2023, la proposition de loi a été adoptée le mardi 10 octobre 2023 par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Elle a été transmise au Sénat le 11 octobre 2023. Il faudra suivre avec attention les évolutions de ce texte dans les mois à venir.

Cette proposition de loi est intéressante en ce qu’elle vient compléter le dispositif d’encadrement lié à l’image des enfants sur Internet, en accentuant les mesures liées à la lutte contre le harcèlement, l’utilisation des images et informations par des pédocriminels ou encore la santé mentale des enfants ayant publié du contenu sur Internet.

Plusieurs mesures peuvent être relevées au sein de cette proposition de loi, notamment des modifications du Code civil : –

 l’article 372-2-6 du Code civil comporterait un quatrième alinéa, qui serait rédigé de la façon suivante : « Il peut également, en cas de désaccord entre les parents sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent.[10] ».

– l’article 377 du Code civil contiendrait un quatrième alinéa également, qui disposerait que : « Lorsque la diffusion de l’image de l’enfant par ses parents porte gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de celui‑ci, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer l’exercice du droit à l’image de l’enfant. »

Débattue au Parlement depuis juin 2023, la proposition de loi a été adoptée le mardi 10 octobre 2023 par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Elle a été transmise au Sénat le 11 octobre 2023. Il faudra suivre avec attention les évolutions de ce texte dans les mois à venir.

Références :

[1] Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

[2] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

[3] La notion de « plateforme » est définie par divers textes juridiques d’origine nationale et européenne. En l’absence d’une définition unique, les notions de plateforme dite de « contenu »de « communication » ou « en ligne » seront utilisées de manière interchangeable pour désigner les plateformes au sens large (ex : Facebook, Tiktok, Instagram…)

[4] Loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne

[5] Le champ d’application a été réformé par la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux afin d’atteindre des plateformes comme Instagram ou TikTok.

[6] Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux

[7] Le guide de bonne conduite des Influenceurs et créateurs de contenus, Ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Juillet 2023.

[8] V.supra page 1 : Le guide de bonne conduite : influenceurs et créateurs de contenus

[9] Proposition de loi “Garantir le respect du droit à l’image des enfants”

[10] Le juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales

L’aspect fiscal est absent de la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Pourtant la fiscalité des influenceurs est un sujet qui est souvent mentionné au cours de vifs débats sur l’influence. Une partie des influenceurs français a fait le choix de partir s’installer à Dubaï. Pour certains observateurs, ce choix de vie a pour seule motivation, la fiscalité avantageuse dubaïote. Mais ces déménagements sont-ils vraiment avantageux du point de vue fiscal ?

La fiscalité à Dubaï [1]

Dubaï s’est dotée d’une fiscalité particulière qui ne prévoit pas d’impôts directs, ainsi les résidents fiscaux à Dubaï ne sont pas imposés sur les revenus ni sur les dividendes des sociétés (peu importe le type d’activité). En revanche, les bénéfices des sociétés sont imposés depuis le 1er juin 2023. Il s’agit de la Corporate tax qui s’applique aux sociétés Mainland qui réalisent un bénéfice annuel supérieur à 375 000 AED [2], le taux de 9% s’applique. Celles qui ne correspondent pas à ce critère ne sont pas imposées. Pour les sociétés Freezones* qui réalisent un bénéfice annuel supérieur à 375 000 AED et qui commercent avec des sociétés Mainland*, le taux de 9% leur est également applicable.

     

Ainsi pour ne payer aucun impôt en vivant à Dubaï, il faut obtenir un visa de résident et créer une société Freezone qui remplit les critères.

À défaut de prévoir des impôts directs, la fiscalité dubaïote prévoit certaines taxes comme celle sur la valeur ajoutée qui est de 5% (ce qui reste raisonnable comparé à notre taux maximal de 20% en France). De plus, cette TVA ne s’applique pas aux biens et services en lien avec la santé, l’éducation, les services sociaux, les produits alimentaires et ceux issus de l’industrie pétrolière. Une taxe d’habitation s’applique également aux locataires, elle s’élève à 5% du loyer annuel et pour les propriétaires à 0,5% de la valeur du bien. Il existe enfin une taxe d’accise qui est prélevée sur des produits considérés comme nocifs pour l’environnement et la santé (produits avec du sucre ajouté ou édulcorant (50%), tabac (100%), boissons énergétiques et alcoolisées (100%), cigarettes électroniques (100%), boissons gazeuses (50%).

Comment être considéré comme résident fiscal à Dubaï ?

Pour être résident fiscal à Dubaï il faut soit :

– résider sur le territoire pendant 183 jours ou plus au cours d’une période de 12 mois consécutifs ;

– avoir son lieu de résidence habituel ou principal et le centre de ses intérêts financiers et personnels dans le territoire ;

– pour les non-citoyens EAU [3] être physiquement présent pendant 90 jours ou plus au cours d’une période de 12 mois consécutifs et avoir son lieu de résidence habituel ou principal et le centre de ses intérêts financiers et personnels sur le territoire ;

– pour les citoyens EAU ou ressortissant d’un Etat membre du CCG [4] : il faut remplir la condition de présence sur le territoire précédente et soit détenir un permis de résidence valide, soit avoir un lieu de résidence permanent dans les EAU soit y exercer un emploi ou une activité.

Ainsi pour être résident fiscal dubaïote, il faut dans la majorité des cas y avoir le centre de ses intérêts vitaux et économiques. En revanche, les règle sont différents pour obtenir le statut de résident fiscal en France.

Comment être considéré comme résident fiscal en France ?

L’article 4B du Code Général des Impôts [5] prévoit que sont fiscalement domiciliées en France les personnes y ayant leur foyer ou leur lieu de séjour principal, ainsi que celles qui y exercent une activité professionnelle à moins qu’elle ne soit accessoire, ainsi que les personnes y ayant le centre de leurs intérêts économiques d’où elles tirent la majorité de leurs revenus. Cependant, une convention fiscale a été conclue entre la France et les Emirats Arabes Unis.

L’impact de la convention fiscale internationale France-EAU [6]

Cette convention est entrée en vigueur le 1er juillet 1990 et prévaut sur les législatives. Elle règle la question des conflits lorsqu’un contribuable remplit les critères français et dubaïotes de domiciliation fiscale. Des critères en cascade s’appliquent donc pour déterminer la résidence fiscale du contribuable.

La convention prévoit également que lorsqu’un contribuable réside à Dubaï mais est fiscalement domicilié en France selon le droit français ou même si un contribuable résidant à Dubaï exerce son activité à travers une société qui est une filiale contrôlée à plus de 50% par une société mère ayant un siège social en France, les revenus du contribuable ou encore de sa société sont soumis à l’impôt français. Ces contribuables ne bénéficient donc pas du régime fiscal avantageux des Emirats.

En plus des multiples règles évoquées cidessus qui ne permettent pas d’échapper à l’impôt français, il existe l’Exit tax prévue à l’article 167 bis du CGI. Il prévoit d’imposer au titre de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, les plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits, lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France. Elle concerne tout contribuable dans cette situation ayant été résident fiscal français pendant au moins 6 ans ou cours des 10 années précédant le transfert et qui détient des droits sociaux, titres ou droit d’une valeur globale supérieure à 800 000 euros ou qui représentent plus de 50% des bénéfices sociaux d’une société. Le respect de cette Exit tax est assuré par l’échange d’informations mis en place notamment entre la France et les EAU qui permet de vérifier que cette taxe a bien été payée mais aussi que les revenus ont bien été déclarés auprès de l’administration.

De plus, les revenus de source française sont imposés en France même si le bénéficiaire n’est pas domicilié fiscalement en France. Il est donc très difficile d’échapper à l’administration fiscale française lorsque les revenus proviennent de débiteurs français et également lorsque le centre des intérêts vitaux demeure sur le territoire français. Cela correspond à une grande partie des influenceurs partis s’installer à Dubaï. C’est probablement pour cette raison qu’aujourd’hui les influenceurs français quittent massivement Dubaï.

 

Références :

[1] Assurance, E. (2023, 12 juin). Dubaï et les impôts : tout ce que les expatriés français doivent savoir en 2023. Expat Assurance. https://expatassurance.com/fr/expatriation-dubai/dubai-impot/ Capital, G. V. (2023, 1 octobre). Avantages fiscaux Dubai : impots, taxes et fiscalité de Dubai. Golden visa et expatriation – Cabinet George V capital. https://www.georgevcapital.com/avantages-fiscauxdubai-impots-taxes-fiscalite-dubai/

[2] AED : Dirham des Emirats Arabes Unis (monnaie)

[3] EAU : Emirats Arabes Unis

[4] CCG : Conseil de Coopération du Golfe (organisation régionale qui regroupe les EAU, l’Arabie Saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn et le Qatar).

[5] CGI : Code Général des Impôts

[6] Convention en vue d’éviter les doubles impositions (ensemble un échange de lettres) signée à Abou Dhabi le 19 juillet 1989, https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media /10_conventions/emirats_arabes_unis/emiratsarabes-unis_convention-avec-les-emirats-arabesunis_fd_2138.pdf

Dans un contexte d’arnaques sévissant sur les réseaux sociaux, dont certaines, très médiatisées, ont donné lieu à des injonctions administratives à l’encontre de leurs auteurs [1], la loi « influenceurs » entend muscler l’arsenal répressif afin de lutter contre la fraude et protéger le consommateur et le jeune public. En effet, les influenceurs commettant des manquements à la loi sur l’influence commerciale pourront désormais faire l’objet d’injonctions administratives par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), qui a vu ses pouvoirs renforcés. Sont également prévues des sanctions pénales, ainsi que celles émanant des plateformes [2] .

Les injonctions administratives

Précisons, d’emblée, que jusqu’à présent, la DGCCRF ne pouvait pas assortir d’une astreinte l’injonction notifiée en raison de d’un manquement au Code de la consommation, alors que cette faculté était reconnue en ce qui concerne des manquements relevant d’autres codes. L’article 13 de la loi dite « influenceurs » complète, depuis un décret n°2023-887 du 20 septembre 2023 [3], les articles L. 521-1 et L. 521-2 du Code de la consommation, dotant ainsi la DGCCRF d’un nouveau pouvoir en matière d’astreinte et de mise en demeure prononcées à l’encontre des influenceurs. Dit autrement, la DGCCRF voit ses pouvoirs renforcés.

À titre d’illustration, dans son communiqué de presse du 3 mai 2023 n°814 [4] , à quelques jours de la publication de la loi dite « influenceurs », la DGCCRF indique avoir contrôlé cinquante influenceurs au cours du premier trimestre 2023 ; ce qui représente presque autant de contrôles en trois mois que sur l’année 2022. Trente influenceurs parmi les cinquante contrôlés, donc 60%, ont fait l’objet de constats d’infraction. Aucun de ces trente influenceurs n’était transparent quant au caractère commercial de leur démarche et l’identité de la personne pour le compte de laquelle ils agissaient. Ces constats auraient conduit au prononcé de 18 injonctions administratives de cesser des pratiques illicites, et à 16 procès-verbaux pénaux. Cette lancée est, et restera, une priorité d’action pour le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, renchérit la DGCCRF dans ledit communiqué.

En outre, le même communiqué de presse précise que les mesures prises à l’encontre de certains influenceurs seront dorénavant rendues publiques [5] dans une optique de sensibilisation aux enjeux de loyauté, et dans le respect du Code de la consommation. De même, la DGCCRF rappelle que les consommateurs peuvent signaler toute pratique déloyale sur la plateforme SignalConso, qui comporte une rubrique dédiée à l’influence commerciale. Toutefois, au-delà de ces injonctions administratives remarquées, il serait intéressant d’observer, à la suite de cette nouvelle législation, le travail de la DGCCRF.

Les sanctions pénales

Par ailleurs, la loi dite « influenceurs » prévoit un ensemble de sanctions pénales dont la teneur varie en fonction des manquements qui seraient commis. Mentionnons par exemple des sanctions pouvant aller :

– Jusqu’à un an d’emprisonnement et 4 500€ d’amende pour les influenceurs qui n’indiquent pas la mention « Images retouchées » ou « Images Virtuelles » pour les images retouchant un visage ou une silhouette ou lorsque ces dernières sont générées par une intelligence artificielle (article 5, IV) ;

– Jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000€ d’amende pour les influenceurs qui n’indiquent pas clairement la mention « Collaboration commerciale » ou qui recourent à des publicités ou des pratiques commerciales trompeuses (art 5, I) ;

– Jusqu’à 750 000€ d’amende pour les influenceurs qui font la promotion de dispositifs médicaux et d’indications thérapeutiques, cette amende pouvant s’accompagner d’une interdiction d’exercer l’activité d’influence commerciale (articles 3 et 4, II, X).

Les sanctions des plateformes en ligne

Enfin, les influenceurs peuvent également se voir sanctionner par les plateformes de communication dans la mesure où ces dernières :

– Devront collaborer avec l’Etat et les autorités afin d’informer le public quant aux droits et devoirs des influenceurs et de leurs agents et garantir la mise en place de dispositifs de signalement visant à prévenir tous les manquements aux dispositions de la nouvelle réglementation (article 15).

– Pourront d’elles-mêmes, décider de suspendre temporairement ou définitivement un compte d’influenceur si ce dernier ne respecte pas la loi dite « influenceurs » ou les conditions générales de la plateforme.

 

Références :

[1] Geoffrey MEYER, Loi « influenceurs » règlementer une activité nouvelle et éviter les dérives sur internet, Dictionnaire permanent Droit des affaires, 19 juin 2023

[2] La notion de « plateforme » est définie par divers textes juridiques d’origine nationale et européenne. En l’absence d’une définition unique, les notions de plateforme dite de « contenu » de « communication » ou « en ligne » seront utilisées de manière interchangeable pour désigner les plateformes au sens large (ex : Facebook, Tiktok, Instagram…).

[3] Décret n°2023-887 du 20 septembre 2023 : conditions dans lesquelles l’injonction mentionnée à l’article L. 521-1 du Code de la consommation, lorsqu’elle est assortie d’une astreinte, peut faire l’objet, en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive, d’une mesure de publicité

[4] DGCCRF, Marketing d’influence : la DGCCRF intensifie ses contrôles au premier trimestre 2023, Communiqué de presse, n°814, 3 mai 2023

[5] Il s’agit d’une pratique courante dans les pays anglosaxons, le «Name and Shame». Elle consiste à rendre publics les noms ou les identités de personnes ou d’entreprises accusées de comportements repréhensibles ou illégaux.

En France, 20 % des 18-24 ans pensent que les Américains ne sont jamais allés sur la Lune, 27% considèrent que les êtres humains ne sont pas le fruit d’une longue évolution d’autres espèces, comme le singe, mais ont été créés par une force spirituelle, 26 % affirment que le massacre de civils à Boutcha était une mise en scène des autorités ukrainiennes. C’est en tout cas ce que révélait la fondation Jean-Jaurès d’après un sondage commandé auprès de l’IFOP sobrement intitulé « Enquête sur la “mésinformation” des jeunes et leur rapport à la science et au paranormal à l’heure des réseaux sociaux » en décembre 2022 [1] . Surestimés ou non, ces pourcentages permettent de mettre en relief un phénomène : la prolifération de la désinformation au sein de la société française, les Fake News.

Ce nouvel eldorado de la désinformation tire en grande partie sa source dans les caractéristiques techniques des médias sociaux à l’ère du numérique. Ainsi, ils profitent de plateformes en ligne [2] allant de centaines de millions d’utilisateurs à plusieurs milliards pour certaines où chacun est, non seulement consommateur mais aussi éditeur de contenu. Dans de telles structures, l’information vraie ou fausse circule sans limitation et rapidement, republiée en chaîne par les utilisateurs euxmêmes.

Cette immense offre de contenus n’explique pas à elle seule la montée de la mésinformation, c’est en effet l’enfermement des utilisateurs dans des « bulles de filtres » issues d’une personnalisation de l’expérience par les plateformes qui crée ce phénomène [3]. Grâce à des algorithmes, ces entreprises analysent comment l’utilisateur aime, commente, republie ou visionne chaque contenu afin de lui en proposer un autre similaire.

L’objectif est simple, la maximisation du temps passé et la conservation des utilisateurs afin de générer des revenus publicitaires. Ce mécanisme implique cependant le renforcement du biais de confirmation par la création d’une bulle autour de l’utilisateur plus susceptible de voir uniquement des contenus confirmant ses croyances préexistantes. Cet effet est d’autant plus important qu’en France, 94% des 16-30 ans s’informent sur les réseaux sociaux et 73% le font quotidiennement [4] .

Les enjeux de cette désinformation en ligne sont multiples. Ils peuvent être de santé publique, comme lors de la pandémie mondiale du COVID-19, où la présence de Fake news sur les réseaux a largement freiné les campagnes de vaccination. En période électorale, celles-ci peuvent influencer les élections ou au contraire être à l’origine d’une défiance des résultats (47% des Républicains américains considèrent que Joe Biden n’a pas légitimement gagné l’élection présidentielle de 2020 contre 20% qui pense que oui et 27% qui n’a pas d’avis [5]). Aussi, le 18 octobre 2023, dans un discours au Parlement européen, le Commissaire Thierry Breton affirmait « la diffusion généralisée de contenus illicites et de désinformation (…) entraîne un risque clair de stigmatisation de certaines communautés, de déstabilisation de nos structures démocratiques, sans parler de l‘exposition de nos enfants à des contenus violents » [6] .

La problématique à laquelle font face les Etats et institutions supranationales est donc la suivante : comment réguler le contenu présent sur les entreprises numériques internationales disposant de plusieurs milliards d’utilisateurs, sans porter une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux et en premier lieu la liberté d’expression ?

La législation nationale en matière de lutte contre la désinformation

Bien que récente par sa nature et son ampleur, la désinformation n’est pas chose nouvelle en France, et les interrogations que sa réglementation pose concernant notamment la liberté d’expression et la liberté de la presse se sont posées à la fin du XIXème siècle. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse imposait ainsi un cadre légal au principe de liberté de l’imprimerie et de la librairie (article 1) au travers notamment de l’interdiction des discours de haine (articles 23, 24, 32 et 33), de fausses informations susceptibles de troubler la paix publique (article 27) ou de la diffamation et injures commises envers les particuliers (article 32). La nouveauté réside cependant dans le fait que les plateformes numériques ne publient pas le contenu mais se contentent de l’héberger.

C’est dans ce contexte que le législateur est intervenu le 22 décembre 2018, avec un texte dédié à l’endiguement de la diffusion de fausses informations sur Internet particulièrement en période électorale [7] . Cette loi est venue créer de nouvelles obligations pour les plateformes numériques lors de ces périodes, parmi lesquelles :

– l’obligation de mettre à disposition de l’utilisateur un dispositif lui permettant de signaler toute fausse information ;

– l’obligation de fournir à l’utilisateur une information claire, loyale et transparente sur l’identité de la personne morale ou physique qui verse à la plateforme une rémunération en échange de visibilité concernant un contenu se rattachant à un débat d’intérêt général ;

– l’obligation de fournir à l’utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l’utilisation de ses données personnelles dans le cadre de la promotion d’un contenu d’information se rattachant à un débat d’intérêt général ;

– l’obligation de rendre public le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion de tels contenus d’information lorsque leur montant est supérieur à un seuil déterminé.

Ces nouvelles dispositions sont prévues à l’article L.163-1 du Code électoral. De plus, une nouvelle procédure de saisine du juge de référés est créée afin de faire cesser la diffusion de fausses informations sur un service de communication au public en ligne (article L. 163-2 du code électoral). Enfin, de manière générale, la loi a mis en place un devoir de coopération des plateformes qui doivent transmettre une information claire et transparente notamment concernant le fonctionnement de leur algorithme.

Le 11 octobre 2021, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA devenu ARCOM) rendait un deuxième bilan des mesures mises en place pour lutter contre la manipulation de l’information conformément aux dispositions de la loi du 22 décembre 2018. Le rapport se concentre sur les onze plateformes dépassant un seuil de cinq millions de visiteurs par mois, et constate un manque général d’informations sur le fonctionnement des systèmes algorithmiques, des moyens mis en œuvre pour lutter contre la manipulation de l’information et de données chiffrées pour mesurer l’effectivité des moyens déployés. Le CSA constatait cependant une amélioration de la qualité des informations transmises à l’autorité publique et prend acte de la présence systématique d’un dispositif de signalement des fausses informations sur les plateformes [8] . Le bilan de la législation nationale est donc mitigé, celle-ci permet de poser un cadre juridique et certaines obligations aux plateformes numériques comme la possibilité de signaler du contenu faux ou de révéler le fonctionnement de leurs algorithmes. Cependant ces obligations sont relativement peu respectées dans la pratique par les plateformes qui manquent de bonne volonté.

La législation européenne en matière de lutte contre la désinformation

C’est le 26 avril 2018 que l’Union européenne a réellement commencé à se pencher sur la problématique de la désinformation en ligne au travers d’un communiqué. Celui-ci fait suite à un travail de recherche mené avec des experts du domaines et la consultation du public [9]. Plusieurs mesures sont alors proposées visant, en complément de la législation nationale qui est incitée à légiférer, à lutter efficacement contre la désinformation.

Parmi les mesures proposées, la création d’un réseau européen indépendant de vérificateurs de faits, mais surtout la création d’un code mis au point par les entreprises elles-mêmes. C’est ainsi qu’est né le code de bonnes pratiques, qui est le résultat de travaux menés par les entreprises signataires qui, décident d’engagements et s’assurent de l’efficacité de la mise en œuvre de ceux-ci. Un nouveau code dit « renforcé » a été créé en juin 2022 par 34 entreprises qui s’engagent notamment, en matière de lutte contre la désinformation, à supprimer les incitations financières à la diffusion de la désinformation, à développer les vérifications de faits dans tous les pays européens, à garantir la transparence de la publicité à caractère politique, etc [10] .

La stratégie européenne s’est donc limitée à un volet de soft law complémentaire à la législation nationale durant de nombreuses années. Cependant, le nouveau règlement européen sur les services numériques (DSA) du 19 octobre 2022 est venu modifier fortement la législation européenne. Ce règlement vise tous les intermédiaires en ligne qui offrent leur service et notamment les très grandes plateformes utilisées par plus de 45 millions d’Européens par mois désignés par la Commission européenne comme Snapchat, TikTok, Google, X etc.

Quelles mesures : Les mesures sont graduées en fonction de la taille des structures, seules les plus grandes sont soumises aux exigences les plus strictes :

– obligation de proposer aux internautes un outil leur permettant de signaler facilement les contenus illicites. Une fois le signalement effectué, elles doivent rapidement retirer ou bloquer l’accès au contenu illégal. Dans ce cadre, les plateformes coopèrent avec des « signaleurs de confiance ». Ce statut est attribué dans chaque pays à des entités ou organisations en raison de leur expertise et de leurs compétences. Leurs notifications sont traitées en priorité.

– les plateformes doivent rendre plus transparentes leurs décisions en matière de modération des contenus. Elles doivent prévoir un système interne de traitement des réclamations.

En plus de ces obligations, les grandes plateformes en ligne doivent jouer un rôle dans la prise en compte des risques auxquels ils exposent leurs utilisateurs, elles doivent ainsi :

– analyser tous les ans les risques systémiques qu’ils engendrent (sur la haine et la violence en ligne, les droits fondamentaux, le discours civique, les processus électoraux, la santé publique…) et prendre les mesures nécessaires pour atténuer ces risques ;

– effectuer tous les ans des audits indépendants de réduction des risques, sous le contrôle de la Commission européenne ;

– fournir les algorithmes de leurs interfaces à la Commission et aux autorités nationales compétentes ;

– accorder un accès aux données clés de leurs interfaces aux chercheurs pour qu’ils puissent mieux comprendre l’évolution des risques en ligne ; – mieux protéger les mineurs en ligne.

Concernant le respect de ces mesures et les sanctions de leur non-application, chaque pays de l’UE dispose d’un coordinateur des services numériques (ARCOM en France) chargé de contrôler l’application du règlement. Les très grandes plateformes sont surveillées par la Commission européenne qui finance ce contrôle par un prélèvement de 0,05% maximum de leur chiffre d’affaires mondial annuel. Enfin, en cas de non-respect du DSA, une amende pouvant aller jusqu’à 6% du CA mondial annuel peut être mise en œuvre.

La première mise à l’épreuve du règlement a eu lieu le 12 octobre 2023, la Commission européenne a ouvert une enquête concernant la non-application du règlement DSA par la plateforme américaine X pour diffusions présumées de « fausses informations, contenus violents et à caractère terroriste ». Il sera donc intéressant de constater l’évolution de cette première affaire au cours du temps.

Par ce règlement, l’Union européenne change radicalement de méthode et espère obliger les entreprises à réglementer par elles-mêmes le flot de fausses informations qui circulent en leur sein. Bien que cette législation soit extrêmement ambitieuse, contrôler et réglementer le contenu de ces gigantesques entreprises pourrait bien s’avérer impossible tant techniquement que juridiquement. En effet, remettre en cause la liberté de publication, le profilage commercial des utilisateurs, la personnalisation des contenus, pourrait rapidement menacer le business model de ces structures et en conséquence leur bonne volonté dans l’application de leurs obligations.

 

Références :

[1] Enquête sur la mésinformation des jeunes et leur rapport à la science et au paranormal à l’heure des réseaux sociaux. (2022, 6 décembre). IFOP. https://www.jeanjaures.org/wpcontent/uploads/2023/01/EnqueteTikTok.pdf

[2] La notion de « plateforme » est définie par divers textes juridiques d’origine nationale et européenne. En l’absence d’une définition unique, les notions de plateforme dite de « contenu » de « communication » ou « en ligne » seront utilisées de manière interchangeable pour désigner les plateformes au sens large (ex : Facebook, Tiktok, Instagram…)

[3] Voir les travaux de Eli Parisier auteur de « The Filter Bubble » 2011 créateur de la notion de Bulle de Filtre.

[4] Le rapport des jeunes à l’information. (2022, novembre). Ipsos. https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2023-03/Ipsos%20-%20Violence%20en%20de%CC%81mocratie%20%28mars%202023.pdf

[6] Lutte contre la désinformation et la diffusion de contenus illicites dans le cadre de la loi sur les services numériques et en période de conflit – Discours du Commissaire Breton. (2023, 18 octobre). Commission Européenne. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail /fr/SPEECH_23_5126

[7] Loi organique n°2018-1201 et la loi n°2018-1202 du 22 décembre 2018 dite « Loi Fake News ».

[8] Lutte contre les infox : le CSA publie son premier bilan – le CSA et l’Hadopi deviennent l’Arcom. (s. d.). https://www.csa.fr/Informer/Toutes-lesactualites/Actualites/Lutte-contre-les-infox-le-CSApublie-son-premier-bilan

[9] Bruxelles, 26.4.2018 Com 2018 236 final « Lutter contre la désinformation en ligne : une approche européenne ».

[10] Press corner. (s. d.). European Commission – European Commission. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail /fr/ip_22_3664

Il existe de nombreuses lois et de nombreux dispositifs visant à lutter contre les dérives sur les plateformes [1] . Cependant, en pratique, il est plus difficile de faire application de ces dispositions.

En plus de faciliter la diffusion de fausses informations, les réseaux sociaux permettent aujourd’hui de faciliter l’incitation à la fraude (fiscale et/ou sociale) et c’est l’une des raisons pour lesquelles, le Gouvernement a décidé de renforcer les dispositifs permettant de lutter plus efficacement contre la fraude sociale et fiscale.

La lutte contre les fausses informations : un combat plus difficile en pratique

Comme il a été mentionné dans le précédant article, en théorie, il existe à l’échelle nationale et européenne un certain nombre de dispositions riches, diversifiées et modernes permettant de lutter contre la diffusion de fausses informations [2].

Le problème ne réside donc pas dans l’établissement de normes visant à lutter contre la diffusion de fausses informations, mais plutôt dans l’application effective des dispositions préexistantes. La première difficulté est donc liée au fait que toute personne bénéficie d’un certain nombre de droits et libertés individuelles, dont notamment la liberté d’opinion, la liberté d’expression et le droit au respect de sa vie privée. Ainsi, une personne est libre de diffuser toutes sortes d’informations en ligne (à la condition de ne pas outrepasser ses droits).

En pratique, la diffusion de fausses informations sera donc sanctionnée dès lors qu’elle sera considérée « comme étant porteuse d’un danger » [3] ou portant atteinte à l’ordre public. Cependant, les parquets sont occupés par d’autres cas considérés parfois plus importants que la sanction d’une fausse information diffusée par les médias de communication. Ainsi, moins d’importance est accordée à la répression de la diffusion de ces fake news.

Une autre difficulté réside dans le manque de coopération des plateformes de diffusion dans le partage des données de connexion permettant d’identifier les auteurs des messages [4]. Ces plateformes ne sont pas réellement disposées à faciliter la tâche des autorités, car elles cherchent à fidéliser leurs utilisateurs.

Enfin, la plus grande difficulté est liée à la facilité qu’offrent les réseaux sociaux et les nouvelles technologies dans la diffusion d’informations, et ce, qu’elles soient vraies ou non. En effet, plus il y aura d’informations qui circulent, plus difficiles seront le contrôle et la gestion de celles-ci. C’est la raison pour laquelle la lutte contre les fausses informations est, en théorie, contrôlable et gérable, mais en pratique, plus compliquée.

Avec l’ampleur qu’ont pris les réseaux sociaux de nos jours, la lutte contre les fausses informations n’est pas la seule préoccupation du Gouvernement et du Législateur. Les plateformes ont également permis de constater une hausse des fraudes sociales et fiscales, notamment avec l’incitation, par le biais des réseaux sociaux, à ces fraudes.

La lutte contre la fraude sociale et fiscale : l’une des priorités du Gouvernement

En septembre dernier, un youtubeur s’était vanté, dans l’une de ses vidéos, de percevoir des revenus « sans rien faire », en cumulant diverses aides sociales, dont l’allocation aux adultes handicapés (AAH), alors qu’il n’était pas en situation de handicap (selon ses propos). Ce jeune Youtubeur, en plus de se vanter de sa situation, expliquait les méthodes qu’il avait utilisé pour parvenir à bénéficier des différentes aides qu’il percevait.

Cette vidéo devenue virale est rapidement arrivée aux oreilles du Gouvernement qui, pour lutter contre ce phénomène (de fraude), a déposé un amendement, au projet de loi de finances (PLF) et au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, afin de sanctionner l’incitation à la fraude fiscale et sociale [5] .

Le Gouvernement souhaite donc créer un délit de “promotion de la fraude” fiscale et sociale dont les peines encourues sont de 3 ans d’emprisonnement et 25 000 € d’amende.

Cette décision n’est en réalité pas due à cette seule vidéo YouTube incitant les utilisateurs de cette plateforme à contourner les règles afin de bénéficier d’aides de l’État. En effet, en mai dernier, Gabriel Attal, lorsqu’il était encore ministre des Comptes publics, avait annoncé une série de mesures de lutte contre la fraude fiscale et douanière. Il prévoyait notamment un délit spécifique d’incitation à la fraude fiscale dans le but de sanctionner la mise à disposition de schémas de fraude [6] . Ce délit permettrait « indépendamment de tout contrôle fiscal ou de toutes poursuites à l’encontre des personnes ayant réellement commis la fraude et de leurs complices, de réprimer la mise en ligne, sur internet et les réseaux sociaux, de véritables « kits de fraude » et de sanctionner les personnes qui commercialisent des outils juridiques et financiers destinés à dissimuler des revenus ou patrimoine » [7] .

Depuis plusieurs années déjà, il est possible de retrouver, sur les différentes plateformes existantes, des contenus vidéos expliquant comment « payer moins ou pas d’impôt », « bénéficier plus facilement d’aides sociales », « profiter des allocations chômage ». Nombreuses sont les vidéos incitant directement ou indirectement à la fraude fiscale et/ou sociale. Ces informations ne sont pas passées inaperçues, et là se trouve sans doute la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé, cette année, de renforcer les dispositifs de lutte contre ces fraudes.

La question qui reste en suspens est celle de savoir si ces dispositions, dans le cas où elles entreraient en vigueur, seront effectives ou non. Inciteront-elles réellement les créateurs de contenus, les personnalités publiques, les professionnels du droit et les professionnels du chiffre (experts comptables, commissaires aux comptes) à faire plus attention à ce qu’ils diffusent, notamment en matière de fiscalité et d’aides sociales ? Peut-être que l’affaire précédemment mentionnée, servira d’exemple à d’autres (qui essaieraient de frauder), si des sanctions sont prononcées à l’encontre du youtubeur en question.

Les luttes contre la diffusion de fausses informations et contre la fraude fiscale et sociale sont depuis plusieurs années un combat constant pour les autorités étatiques et il s’agit là de luttes sans fin qui nécessitent de s’adapter constamment à l’évolution de la société et des nouvelles technologies.

 

Références :

[1] La notion de « plateforme » est définie par divers textes juridiques d’origine nationale et européenne. En l’absence d’une définition unique, les notions de plateforme dite de « contenu »de « communication » ou « en ligne » seront utilisées de manière interchangeable pour désigner les plateformes au sens large (ex : Facebook, Tiktok, Instagram…).

[2] T. LABATU, Fake News : proposition d’un nouveau dispositif de lutte, Les Petites Affiches n°2, Lextenso, 28 février 2023.

[3] T. LABATU, Fake News : proposition d’un nouveau dispositif de lutte, Les Petites Affiches n°2, Lextenso, 28 février 2023.

[4] AFP Agence, Fake news : la loi permet déjà en France de sanctionner, Le Point, 4 janvier 2018.

[5] J. Timsit et AFP agence, Budget de la Sécurité sociale : le gouvernement dépose un amendement pour sanctionner l’incitation à la fraude, Le Figaro, 21 octobre 2023.

[6] Ministère chargé des Comptes publics, communiqué de presse, n° 823, Paris, 9 mai 2023.

[7] Ibid.

L’avocat, dans sa vie professionnelle mais aussi dans sa vie privée, est tenu en toutes circonstances d’appliquer les principes essentiels inhérents à la déontologie de sa profession notamment dans le cadre de l’usage de ses réseaux sociaux. Ces principes énumérés à l’article premier du Règlement Intérieur National de la profession (RIN) comprennent notamment la confraternité, la délicatesse, la modération ainsi que la dignité.

Dans un contexte d’essor du numérique, les réseaux sociaux sont devenus les nouveaux espaces privilégiés de communication au détriment des réputées buvettes du Palais. Ces plateformes offrent une visibilité accrue aux avocats, permettant de faire connaître leurs compétences et leurs engagements, mais aussi de vulgariser le droit auprès de toutes les générations. Cependant, de nouvelles problématiques corrélatives émergent en raison de la recrudescence de surréactions, de raccourcis et d’invectives de la part de certains avocats, en opposition avec leur déontologie.

La profession se retrouve confrontée à une nécessité de pallier ces dérives liées à l’usage des réseaux sociaux. Le Barreau de Paris a saisi cette opportunité pour créer, en 2020, une nouvelle commission de déontologie dédiée spécialement aux médias et aux réseaux sociaux dont la mission est de veiller à la conformité des communications des avocats sur ces espaces particuliers. Cette dernière rend des avis circonstanciés rappelant les règles déontologiques et pouvant aboutir à des procédures disciplinaires à l’encontre des avocats récalcitrants. La commission prépare actuellement un code de bonnes pratiques à destination des avocats quant à leurs usages des réseaux sociaux [1] .

La liberté d’expression et d’opinion chère à cette profession doit être conciliée avec leur devoir de s’exprimer dans le respect de la déontologie et desdits principes essentiels à la profession. La vigilance est ainsi de rigueur et doublée d’un devoir de retenue quant à leur communication sur les réseaux sociaux tant pour les informations publiées par les avocats que celles publiées par les tiers sur les pages des avocats.

L’enjeu étant de taille : la préservation de l’image et de l’honneur de la profession ainsi que le maintien de la confiance et de la protection des clients.

L’avocat, dans son usage des réseaux sociaux, peut se retrouver confronté à certaines problématiques déontologiques. Un bref rappel des règles applicables semble alors adéquat, compte tenu de la liberté prise par certains membres de la profession en la matière.

Le port de la robe par un avocat sur les réseaux sociaux est-il conforme avec la déontologie de sa profession ?

La déontologie réglemente le port du costume professionnel de l’avocat. Pour rappel, le port de la robe par l’avocat est obligatoire lors de l’exercice de ses fonctions judiciaires notamment lors de sa présence au palais de justice.

A titre exceptionnel, le port de la robe est toléré dans le cadre de participation à certaines manifestations officielles à l’initiative de l’ordre, telles que les cérémonies du barreau. Quant au reste des activités, de la réception des clients au cabinet, aux manifestations à caractère politique en passant par les représentations théâtrales, cinématographiques ou encore télévisées, le port de la robe y est strictement interdit.

La déontologie est allée jusqu’à considérer que le port de la robe lors de clichés publicitaires, dans le cadre de communications de l’avocat, relevait d’une atteinte au principe de dignité de la profession [2] .

Le port du costume professionnel est d’ailleurs protégé par l’article 433-14 du Code pénal sanctionnant d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000€ le fait de porter, publiquement et sans droit, la robe de l’avocat.

En pratique, le port de la robe par certains avocats sur les réseaux sociaux, tant sur des photos que sur des vidéos, est un phénomène qui se développe et qui semble pourtant contraire aux règles déontologiques. Selon certains membres de la profession présents sur les réseaux sociaux, il n’y a aucun mal à se filmer en costume professionnel sur ces plateformes à la condition évidente de ne pas dévoyer la robe [3] . Le doute est cependant permis quant à la conformité de ces pratiques avec la déontologie professionnelle notamment en ce qui concerne le respect du principe de dignité.

L’avocat peut-il proposer la vente de fiches méthodologiques ou de révision à des étudiants sur les réseaux sociaux ?

La profession d’avocat est soumise à certaines incompatibilités professionnelles notamment en matière d’activités à caractère commercial.

Cependant, cette incompatibilité est atténuée par la possible commercialisation, à titre accessoire, de biens ou services connexes à l’exercice de la profession d’avocat. Ces biens ou services doivent néanmoins être à destination des clients ou des autres membres de la profession.

L’avocat bénéficiant de cette atténuation d’incompatibilité doit en informer, par écrit et dans un délai de 30 jours à compter du début de l’activité en question, le conseil de l’ordre du barreau auquel il appartient. Ce dernier peut lui demander tous renseignements ou documents permettant l’appréciation de la compatibilité de ladite activité avec les règles déontologiques de la profession[4] . En cas d’absence de demande d’approbation préalable, l’avocat s’expose à la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire à son encontre.

En pratique, certains avocats proposent la vente de fiches méthodologiques ou de révision à destination d’étudiants en droit sur les réseaux sociaux. Au vu de la déontologie relative à l’incompatibilité de la profession d’avocat en matière d’activité à caractère commercial, il semblerait que la vente de fiches de révision, en n’étant ni à destination des clients, ni des confrères, ne soit pas en adéquation avec les règles déontologiques.

Quelle publicité l’avocat peut-il faire sur ses réseaux sociaux ?

L’avocat est libre d’effectuer sa propre publicité sur les réseaux sociaux à condition de respecter les principes essentiels de la profession. Il doit ainsi faire état de sa qualité et mentionner son identité, sa localisation, ses coordonnées ainsi que son barreau et sa structure d’exercice sur la plateforme en question [5] .

La publicité mensongère ou trompeuse, les mentions comparatives ou dénigrantes ou susceptibles de créer l’apparence d’une qualification professionnelle non reconnue ou d’une structure d’exercice inexistante ainsi que toute référence à des fonctions ou activités sans lien avec l’exercice de la profession, sont ainsi prohibées.

La participation de l’avocat à un réseau social n’est pas subordonnée à une obligation de déclaration au bâtonnier mais si l’usage du réseau social est à des fins de publicité personnelle ou de promotion de ses services d’avocat, alors la déclaration au barreau est de droit [6] .

Une fois encore, la prudence et la modération sont de rigueur pour l’avocat faisant usage des réseaux sociaux, sous peine de voir sa responsabilité personnelle être engagée, y compris pour ses messages ou commentaires sur ses réseaux sociaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

Références :

[1] S. BRUGERE et J. LAURENT “Déontologie, médias et réseaux sociaux”, Gazette du palais n°29, 31 Août 2021

[2] CNB, Comm. RU, avis n° 2008-044, 24 Juin 2008

[3] C. ENKAOUA, “Avocats et réseaux sociaux : une communication à encadrer”, Gazette du Palais n°12, 4 Avril 2023

[4] Article 22 du Code de déontologie des avocats

[5] S. BORTOLUZZI, D. PIAU et T WICKER, “Règles de la profession d’avocat”, 17e édition Dalloz 2022-2023

[6] Article 10.3 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat

Ce guide est à destination des étudiants en droit et contient quelques rappels sur les étapes à suivre pour trouver une information fiable, notamment sur Internet. En effet, l’utilisation de l’influence est aujourd’hui un mode de diffusion d’informations, notamment juridiques, de grande ampleur. Bien que certains renseignements soient fondés, le risque de désinformation est important. Il est malheureusement courant de trouver des données non mises à jour, faussées ou biaisées. Or, dans le cadre universitaire, les étudiants ont besoin de trouver des informations fiables.

Qu’est-ce que la désinformation ?

La désinformation est l’action de diffuser à travers les médias, les réseaux sociaux ou Internet des informations délibérément erronées. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de décrypter chaque information trouvée grâce à une véritable investigation.

Pourquoi évaluer la fiabilité d’une information ?

L’évaluation de la fiabilité des informations trouvées est un travail personnel. En effet, les outils qui nous sont mis le plus facilement à disposition répertorient un important nombre de données sans se soucier de la qualité ou de la fiabilité de celles-ci. C’est par exemple le cas du moteur de recherche Google dont les critères de proposition de résultats dépendent uniquement des mots clés utilisés lors de la prospection, de la popularité des sites consultés et de la personnalisation basée sur le profil de l’individu à l’origine de la recherche.

Comment évaluer la fiabilité d’une information ?

Pour évaluer la fiabilité d’une information, il convient de vérifier plusieurs critères :

L’auteur

Connaître le statut ou la qualité de l’auteur est important pour évaluer l’objectivité du point de vue apporté.

L’éditeur

Bien que cela ne soit pas une vérité absolue, la notoriété peut être un gage de qualité.

Public cible

Il est essentiel de se demander si l’information est diffusée auprès d’un public avisé ou non.

Type de support

Une information sera généralement plus fiable si elle provient d’une revue en comparaison à un blog.

Date

Au-delà de la date de publication initiale, il faut vérifier si les informations sont mises à jour et actualisées.

Grâce à ces différents éléments d’analyse, il est possible d’être rassuré sur la fiabilité des informations trouvées. Une fois cette étape réalisée, il est alors possible de se questionner sur la pertinence, c’est-à-dire l’adéquation entre les informations trouvées et le sujet de recherche.

La méthode la plus efficace pour trouver une information fiable reste encore de croiser ses sources. La team Édito a dressé une liste non exhaustive de sources mises aisément à disposition des étudiants, notamment pour les matières concernant le droit social et le droit des affaires. Celles-ci représentent une alternative de qualité aux résultats proposés par les moteurs de recherche classiques.

Bases de données juridiques

– Service public.fr

– Lexis 360

– Lamyline

– Lextenso

– Lexbase

– Navis

– Dalloz

– BOSS : On y trouve toute la réglementation juridique en matière de cotisations et contributions de Sécurité sociale.

– BODACC : On y trouve les informations liées à l’enregistrement des actes au RCS. – Pappers : On y trouve les informations sur les sociétés (siège social, dirigeant, siren, statuts, comptes sociaux, filiales…)

Ces bases contiennent toutes des éléments qui les distinguent dans la pratique. Par exemple, Lamyline possède souvent des articles généraux sur des notions de cours et Lexbase possède un moteur de recherche très efficace pour trouver des arrêts de cours d’appels ou de la Cour de cassation utiles pour appuyer un raisonnement.

La plupart des bases de données possèdent des revues juridiques permettant d’avoir un point de vue doctrinal sur un thème d’actualité ou sur un arrêt.

Revues juridiques en droit social

– La Revue de droit du travail de Dalloz

– La Revue « Droit Social » de Dalloz

– La Semaine Sociale Lamy de Lamyline

– Le Bulletin Joly Travail de Lextenso

– La Semaine Juridique Social de Lexis 360

Revues juridiques en droit des affaires

– Les Cahiers de droit de l’entreprise de LexisNexis

– La Semaine Juridique

– Entreprise et Affaires de LexisNexis

– La Revue Contrats-Concurrence Consommation de LexisNexis

– La Revue des sociétés de Dalloz

– La Revue Trimestrielle de Droit commercial de Dalloz

– Le Recueil Dalloz

Il ne faut pas hésiter à utiliser ces bases de données, soit pour approfondir une notion, soit pour revoir un sujet incompris en cours. Elles sont un complément des cours assurés par les enseignants. En effet, ces bases viennent en aide lorsqu’il y a une incompréhension sur un arrêt ou une loi par exemple. Cependant, elles ne doivent pas remplacer la réflexion qui reste l’élément central du travail de chacun.

La team Edito a eu l’honneur d’interviewer M. Grégoire HAMELIN, Secrétaire général de l’Union Départementale des Syndicats Force Ouvrière d’Indre et Loire depuis juin 2011, afin de permettre aux étudiants de découvrir des professions plus méconnues du domaine du droit de l’entreprise.

Aperçu du parcours professionnel de M. Grégoire HAMELIN

À la suite de l’obtention de sa Maîtrise d’histoire ainsi que de l’accomplissement de son service militaire obligatoire, M. Grégoire HAMELIN a été embauché au sein de la société Klein, dans laquelle il a commencé à exercer son activité syndicale. Lorsque l’organisation syndicale de FO a atteint un an d’ancienneté au sein de l’entreprise, M. Hamelin et ses camarades de FO se sont présentés aux élections professionnelles et ont été élus. Cette implantation a permis de créer un Comité Économique (CE) au sein de l’entreprise, dont M. Grégoire HAMELIN a été membre. Il exercé les fonctions de secrétaire du CSE ainsi que du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) de l’entreprise.

Quelques années plus tard, il a remplacé son collègue Philippe MOREAU en tant que délégué syndical, toujours au sein de la société Klein.

Au Congrès de 2007 de l’Union Départementale des syndicats d’Indre et Loire, M. HAMELIN a intégré les équipes de l’Union départementale en tant que trésorier, puis, en 2011, en tant que Secrétaire général. Il effectue aujourd’hui son quatrième mandat.

À partir de 2016, il quitte son entreprise et devient permanent syndical au sein de l’UD FO.

HAMELIN a également été membre de la Commission exécutive de la Confédération FO.

HAMELIN conclut par rapport à son parcours professionnel : « Ce n’est pas évident au départ de concevoir une carrière syndicale. Ce parcours est souvent le fruit de rencontres et d’opportunités qui se présentent à vous ».

Quelles sont vos principales responsabilités en tant que secrétaire général ?

« Les responsabilités du secrétaire général de l’Union Départementale sont définies dans les statuts de la Confédération. Mon rôle est tout d’abord de représenter l’Union Départementale. Je suis également l’interlocuteur et le représentant de la Confédération dans le département, que ce soit auprès de la chambre consulaire, auprès des parlementaires, des collectivités territoriales et des structures de l’Etat comme la préfecture ou les services déconcentrés. On représente, on porte les revendications, mais on peut défendre certains dossiers également.

En interne, j’assure la responsabilité civile de l’organisation et je la représente juridiquement lorsque l’on a besoin de contracter ; je signe les contrats, j’assure la responsabilité légale du Bureau par ma signature. C’est similaire au rôle d’un employeur, seulement nous devons rendre compte régulièrement à nos organes de direction.

On a un Bureau et une Commission Administrative qui se réunissent régulièrement et dans ces lieux de discussions collectifs, on prend les décisions d’orientation que le secrétaire général et le trésorier sont tous les jours chargés de mettre en œuvre. C’est à la fois un rôle politique de représentation des revendications et à la fois un rôle administratif qui a tendance à s’alourdir du fait de la complexification des procédures. Il existe également un rôle juridique, notamment lorsqu’il s’agit de donner mandat à un représentant syndical. ».

Quelles sont les principales préoccupations de l’UD FO en ce moment ?

« En ce moment, la première préoccupation est notre développement. On essaie d’abord d’être le plus nombreux possible et on est en pleine période de renouvellement des CSE puisque la loi a contraint les employeurs à basculer du mode CE au CSE et que nombre d’entre eux s’y sont pris au dernier moment.

Aujourd’hui, l’actualité syndicale c’est les élections, aider nos syndicats à faire des listes, présenter des listes, tout ce qui a trait à la propagande électorale, à la négociation des protocoles d’accords électoraux et au suivi des résultats.

Cela est la première activité, ensuite il y a toute l’activité revendicative. Le 16 octobre 2023 s’est tenue la Conférence Sociale convoquée par Mme Borne traitant en particulier des salaires et nous lui avons présenté de nombreuses revendications détaillées. La revendication principale concerne l’augmentation des salaires dans un contexte d’inflation galopante. Il y avait également des revendications sur tout ce qui touche aux conditions de travail et à l’environnement de travail. Différents sujets ont été abordés : retraites, assurance chômage et ce qui est lié à l’amélioration des conditions de travail au sens large, y compris la durée du travail, qui est d’ailleurs la première revendication de notre mouvement syndical. C’est grâce à cette revendication que nous avons obtenu la journée de 8 heures.

Le rôle du syndicat, c’est la défense des intérêts particuliers et collectifs des salariés. C’est la défense des intérêts matériels et moraux et en particulier c’est d’œuvrer à l’amélioration des conditions de travail et du gain salarial. Nous, les syndicalistes de lutte de classes, considérons que certains vendent leur force de travail et que d’autres l’achètent. ».

Au travers de quels moyens l’UD FO défend-elle les intérêts de ses membres ?

« Le moyen principal est celui de la négociation mais, pour que la négociation soit possible, il faut qu’il y ait un rapport de force. La négociation est différente en fonction des conditions dans lesquelles elle se déroule. On ne négocie pas de la même façon si on est seul dans l’entreprise, si le délégué représente peu de salariés, si l’on débute ou si l’on a une force militante derrière soi. L’appui des salariés joue beaucoup dans le déroulement de la négociation.

Le niveau de négociation joue un rôle important également : on ne négocie pas de la même façon en entreprise ou au niveau de la branche car au sein de l’entreprise, on est lié par le contrat de travail.

Ensuite, il faut être organisé. Nous sommes une organisation syndicale, cela signifie que nous sommes des membres individuels qui avons décidé de nous mettre ensemble, de nous réunir, de discuter et de nous organiser pour faire reconnaître et aboutir nos revendications.

Le rapport de force se retrouve dans cette négociation car, même pour discuter, il faut déjà être deux. Si on ne peut pas négocier, même pour faire appliquer ne serait-ce qu’un droit, pas un accord pour améliorer le droit existant, mais un droit accordé par la loi et défendre son existence-même, et que l’employeur refuse de nous écouter, cela devient vite compliqué.

Dans ces cas-là, on peut recourir à la grève, c’est l’arme ultime des salariés. Cela implique l’arrêt total de la production et plus aucune richesse ne se crée.

Nous pouvons également recourir à la saisine de l’autorité judiciaire pour faire a minima respecter les droits des salariés. Notre slogan à FO est justement “Le droit au respect et le respect de vos droits”. Il est également possible de recourir à des référendums.».

Y a-t-il des exemples de succès ou de réalisations récents que vous pourriez nous faire partager ?

« Il n’y en a pas beaucoup aujourd’hui. Mais tout dépend de ce que l’on appelle succès. Notre activité a changé, nos revendications ne sont plus offensives mais défensives.

L’un de nos succès remonte à l’année dernière, lorsque nos camarades de la collecte et de la propreté urbaine ont fait plusieurs jours de grève. Ces mouvements sociaux ont donné lieu à une augmentation de 120 euros de salaires pour tous les salariés du secteur, y compris pour le personnel des services administratifs, ce qui correspond à 1 600 personnes.

Nous bataillons principalement contre deux réformes et leurs conséquences : la réforme de l’assurance chômage et la réforme des retraites.

La dernière grande conquête date de 2007, lorsque nous sommes parvenus à faire abroger le CNE (Contrat Nouvelle Embauche), qui ne prévoyait pas de limitation de durée pour les salariés des TPE/PME et qui permettait à l’employeur de licencier les salariés sans se justifier d’un motif et moyennant un faible préavis. »

Comment se passent les élections des secrétaires généraux ?

« Les élections ont lieu lors du Congrès de la Confédération Européenne des Syndicats.

Force Ouvrière ainsi que les autres organisations syndicales. Chaque syndicat et chaque adhérent à jour de ses cotisations peut assister au Congrès. Au cours de ce congrès, les syndicats vont présenter les revendications propres à leurs métiers et vont aussi débattre de l’orientation de leur union départementale et de la confédération. Mon rôle est de préparer les rapports d’activité de ces quatre dernières années et un rapport de trésorerie qui seront soumis à l’approbation des syndicats.

Ce rapport d’activité, s’il est approuvé, conduit généralement à la reconduction de l’équipe qui était en place, avec quelques changements mineurs. L’union départementale est gérée par une commission administrative qui est composée de 30 membres. Ce sont ces 30 membres qui vont construire l’ossature politique de l’organisation. ».

Concernant la communication de différentes informations aux adhérents au sein de l’UD FO

« La communication est simple et limitée au sein de l’UD FO. En effet, lorsqu’un adhérent pose une question, la première démarche consiste à lui apporter une réponse en local. Si cette réponse n’est pas disponible au sein du réseau interne de l’UD FO, les membres de l’UD FO recourent à leur réseau afin de contacter une personne capable de leur fournir une réponse claire et précise.

Également, des informations figurent sur le site de l’UD FO où sont principalement relayées les informations de la Confédération, des fédérations et parfois celles issues de petits syndicats, mais ces informations sont filtrées par les adhérents et leur prisme revendicatif. ».